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Allemagne : un prix parfois négatif pour l’électricité !

eoliennes en Allemagne

Chaque système a ses défauts : si la France considère souvent les énergies renouvelables comme quantités négligeables, l’Allemagne souffre, quant à elle, de quelques dysfonctionnements dus à la priorité donnée à l’électricité produite par des sources d’énergie propres. De toute façon, ce n’est jamais le consommateur final qui y gagne.

Ainsi le prix de l’électricité peut devenir négatif à la bourse de l’énergie de Leipzig (European Energy eXchange : EEX). Prenons l’exemple de la nuit du 24 au 25 décembre dernier : une tempête soufflant sur l’Allemagne permet aux éoliennes de produire 100 000 MWh entre 21 heures et 2 heures du matin, la capacité instantanée atteignant même 20 GW. Devant la faible demande, les cours du marché s’effondrent et les vendeurs en viennent même à proposer une prime de 13,9 centimes d’euros par kWh aux éventuels acheteurs !

Car chez nos voisins d’Outre-Rhin, l’électricité provenant des énergies renouvelables à une priorité pour être injectée dans le réseau. Les distributeurs sont donc obligés de l’acheter, et à un prix garanti, même s’ils n’en ont aucun besoin. Ce dispositif permet d’assurer aux propriétaires d’éoliennes ou de panneaux solaires le rachat de l’électricité qu’ils produisent. Mais ce phénomène du prix négatif s’est reproduit 25 fois l’an dernier, avec même en octobre une « pointe » à – 500 € ! Il a déjà eu lieu 4 fois cette année. Autrement dit, le distributeur doit payer pour se débarrasser d’une marchandise encombrante car non stockable.

Cela veut-il dire que les ménages allemands paient leur électricité à très bas prix ? Non, pas du tout, au contraire, puisque le distributeur a le droit de répercuter sur le consommateur final le surcoût engendré par ces prix négatifs. Les factures s’alourdissent donc d’autant.

Mais cette bizarrerie fait par contre l’aubaine des propriétaires de barrages : ils se font « payer » pour acquérir l’électricité excédentaire les jours de très forte production, ce qui leur permet d’actionner les pompes à moindre frais et de remplir les réservoirs. Les jours de faible production, par contre, ils ouvrent les vannes et produisent à leur tour du courant qu’ils revendent au prix fort.

Le ministre de l’économie allemand, partisan de l’énergie nucléaire, Rainer Brüderle a récemment réagi dans un communiqué :

Les prix extrêmes du 4 octobre sont un avertissement sans frais. (…) Le marché allemand de l’électricité peut être confronté à des dysfonctionnements massifs, et la principale victime en est le consommateur. (…) Avec le développement des énergies renouvelables, ce genre de situation va se multiplier.

Argument repris par d’autres partisans de l’atome qui voient d’un mauvais œil les aides à la production électrique éolienne. Ainsi Frantz Varenholt, l’un des dirigeants de RWE (producteur d’énergie et propriétaire de nombreuses centrales nucléaires et à charbon) qui reprend :

Le problème avec le vent, c’est qu’il y a des jours où il représente 0% de la production allemande d’électricité, et des jours où il produit plus qu’il n’en faut. (…) J’ai peur que l’incroyable soutien dont bénéficient les énergies renouvelables en Allemagne disparaisse [à cause du surcoût pour les consommateurs].

Argument irrecevable par contre pour Ronald Heinemann, porte-parole de la fédération BEE, principale association des énergies renouvelables en Allemagne, qui condamne fermement ces propos  :

Les propriétaires de centrales devraient les fermer ou les ralentir lorsque des prix négatifs surviennent. Mais ils n’y ont pas intérêt car cela coûte cher, et qu’il faut du temps pour les redémarrer. Pour eux, mieux valent des prix négatifs.

Il est soutenu d’ailleurs par le récent projet de taxation des 17 centrales nucléaires émis par la chancelière Angela Merkel, au grand dam des patrons de l’industrie énergétique allemande qui s’y opposent fermement. Cela illustre la cohabitation difficile parfois entre énergies renouvelables et énergies traditionnelles, dans un pays où pourtant l’opinion est toute acquise aux énergies propres (d’où vraisemblablement la proposition de la chancelière, l’enjeu est politique) : elles représentent actuellement une part de 16,3 % de l’électricité et devraient monter en 2020 à 38,6 %. L’Allemagne vise même un 100 % renouvelable en 2050.

Sources : AFPEnergie Plus, 2000 Watts, Le Temps, Le Devoir.

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