Des enjeux sans précédent en matière de sûreté
Le premier est que « nous sommes entrés dans une période d’enjeux sans précédent en matière de sûreté. » D’une part, « la prolongation des réacteurs nucléaires qui arrivent vers leurs 40 ans et l’amélioration de leur sûreté représentent un enjeu important. » L’ASN a pour cela formalisé des attentes sur le contenu des études et les contrôles qui doivent être mis en œuvre dans le cadre du 4ème réexamen des réacteurs de 900 MWe : sa position générique sur ces derniers est attendue au cours de l’année 2019. De plus, pour les installations du cycle du combustible ou de recherche qui sont en majorité anciennes, « 20 à 25 dossiers de réexamen de sûreté ont déjà été reçus par l’ASN. Une trentaine de nouveaux dossiers sont attendus en 2017. » Cette première réévaluation devra être l’occasion d’améliorer notablement leur sûreté.
D’autre part, à propos des « suites de Fukushima : une première étape a été franchie à la fin de l’année 2015 en installant des mesures flexibles, mobiles, sur l’ensemble des installations, pour faire face à des accidents hors norme » précise le président de l’ASN, mais les opérations de mise en place des équipements fixes du « noyau dur » et notamment la construction de plusieurs diesels d’ultime secours dureront de 5 à 10 ans.
Enfin, « tous les chantiers de construction de grandes installations sont confrontés à des difficultés ou retards (RJH, ITER, EPR, etc.). C’est probablement la trace d’une perte de pratique et d’expérience dans le domaine. Nous constatons surtout des difficultés industrielles, sans enjeu de sûreté, à l’exception du problème rencontré sur la cuve de l’EPR » : l’ASN prendra position vers mi-2017 sur l’anomalie de la cuve.
Des événements majeurs en 2016
Autre constat, l’année 2016 a été marquée par deux événements majeurs. D’une part, des anomalies techniques similaires à la cuve EPR ont été détectées sur certains générateurs à vapeur installés sur 12 réacteurs. Des contrôles ont permis le redémarrage de 9 d’entre eux. Selon M. Chevet, ces contrôles « étaient nécessaires. Les informations recueillies à cette occasion sont plutôt positives, mais ils auraient pu se passer différemment ». Il faut « que le système électrique français dispose des marges nécessaires pour faire face à ce genre d’événement. »
D’autre part, des irrégularités ont été constatées, notamment au Creusot. Si « certaines irrégularités sont des écarts mineurs, d’autres peuvent s’apparenter à des falsifications » et l’ASN a demandé à Areva la revue de toutes les pièces fabriquées par le passé à Creusot-Forge. D’autres irrégularités mises en évidence nécessitent un réexamen complet de tous les dossiers de fabrication, et l’ASN n’exclut pas d’en détecter d’autres à cette occasion.
La situation financière, économique et budgétaire difficile des industriels
« Les industriels sont toujours dans une situation financière, économique et budgétaire extrêmement difficile, alors qu’ils sont confrontés à des enjeux très significatifs. L’Autorité de sûreté nucléaire, participant au contrôle d’ensemble du système, manque aussi de moyens humains et financiers. Nous avons obtenu avec notre appui technique l’IRSN près de 70 emplois supplémentaires au cours des trois dernières années. C’est la meilleure des bonnes nouvelle possible dans le contexte budgétaire actuel, mais ce n’est pas tout à fait à la hauteur de ce dont nous avons besoin à moyen terme » relève le président de l’ASN.
Ni déni, ni dépit ou renoncement
L’ASN juge donc ce contexte d’ensemble préoccupant et « plus encore qu’au début de l’année 2016. » Il ne faut cependant ni sombrer dans le déni – « un problème ne peut pas être résolu en le niant » -, ni dans le dépit ou le renoncement. Il faut donc « compléter le réexamen complet des fabrications, engagées notamment au Creusot par Areva » et, suite à la situation économique des exploitants, aller au bout de la réorganisation industrielle décidée.
Source : ASN