Selon la 14ème édition de l’Observatoire Européen des Marchés de l’Energie, publiée par Capgemini, les « Utilities », sociétés de service public opérant dans les secteurs du gaz et de l’électricité, sont confrontées en Europe à un environnement difficile : une période d’incertitude qui impacte leur rentabilité et leur capacité d’investir dans des infrastructures énergétiques pourtant nécessaires.
Volatilité des prix et stagnation de la consommation d’énergie engendrées par la crise économique se sont traduites, selon l’Observatoire, par des baisses de profits qui risquent de s’aggraver dans l’avenir, en raison de la transition énergétique dans laquelle s’engagent plusieurs pays européens, entraînant la création de nouvelles taxes et des pénalités pour les opérateurs dont les clients ne réaliseraient pas un certain niveau d’économies d’énergie.
De plus, « les bas prix du charbon et des certificats de CO2 en Europe menacent la rentabilité des centrales à gaz pourtant indispensables. » En effet, les prix du pétrole se maintiennent à un niveau élevé, mais le gaz, exploité aux Etats-Unis à des coûts compétitifs (gaz de schiste) a vu ses prix baisser considérablement, mais pas en Europe où il reste indexé sur les prix du pétrole, et atteint des tarifs plus élevés d’environ 300 % que le gaz américain. Les Etats-Unis commencent donc à remplacer le charbon par du gaz dans les centrales à énergies fossiles, créant ainsi un excédent mondial de charbon, et des prix européens en baisse :
Ce bas prix du charbon combiné au bas prix des certificats d’émissions de CO2 a détérioré la rentabilité des centrales au gaz provoquant la fermeture d’un certain nombre d’entre elles et un retrait potentiel de 10 000 MW d’ici 2014. Cependant, ces centrales à gaz sont essentielles notamment pour compenser la volatilité des énergies renouvelables et équilibrer le réseau en période de pointe de consommation (lors de vagues de froid ou chaleur). Ainsi la mise en place de marchés de capacité qui permettrait d’assurer la rentabilité de ces centrales et d’éviter leur fermeture, est une mesure prioritaire.
Par ailleurs, « le coût de la transition énergétique sera élevé » : suite à Fukushima, le mix européen devrait évoluer vers une moindre part d’électricité d’origine nucléaire, et donc une augmentation de la part d’électricité produite par les énergies renouvelables, mais aussi fossiles (gaz et charbon pour certains pays, accompagnés d’une hausse des émissions de CO2). Cela suppose des investissements supplémentaires considérables qui auront un impact sur les coûts de production et de transport et donc sur les prix de détail.
D’autre part, « le développement des énergies renouvelables est menacé par la réduction des subventions. » L’objectif européen de 20 % d’énergies renouvelables dans le mix énergétique de 2020 sera d’autant plus difficile à atteindre que les états, confrontés « à la crise des dettes souveraines » , réduisent les incitations fiscales et les tarifs d’achat qui ont permis leur expansion. L’Observatoire note que l’énergie solaire a été particulièrement touchée.
Par contre, l’objectif européen de 20 % de réduction des gaz à effet de serre devrait être atteint. Mais pas par des investissements dans des technologies peu « carbonées », mais en fait « grâce » au ralentissement économique et aux délocalisations de certaines industries en Asie. L’objectif 2020 d’efficacité énergétique sera quant à lui difficile à atteindre.
« Des investissements considérables dans les infrastructures sont nécessaires » souligne l’Observatoire : moyens de production d’électricité, réseaux, terminaux de GNL, gazoducs, et « plus généralement pour renforcer les réseaux afin d’améliorer la sécurité d’approvisionnement, raccorder les énergies renouvelables et les moyens de production décentralisés et rendre les réseaux plus « intelligents ». » Mais les Utilities ne s’y engagent pas résolument en raison de « l’instabilité économique actuelle et de l’absence de prévisions crédibles sur le futur de la zone euro. »
Conséquence de tout cela : les Utilities sont sous pression, avec une performance boursière dégradée et une valorisation diminuée :
Cependant, les mesures politiques et législatives durant cette période montrent que les gouvernements et les régulateurs européens considèrent toujours les Utilities comme une source aisée de prélèvements supplémentaires. Par exemple, l’accord sur le texte de compromis concernant l’efficacité énergétique représentera un véritable fardeau pour les Utilities. A cela s’ajoutent les décisions politiques telles que l’abandon accéléré du nucléaire en Allemagne ou les taxes sur la production électronucléaire en Allemagne, en Belgique ou plus récemment en Espagne.
Source : Capgemini