A une époque où on commence à se rendre compte que le changement climatique ne pourra plus être évité, des chercheurs de l’INRA (Institut National de la Recherche Agronomique) et de plusieurs universités montrent comment les forêts françaises, malgré leur contribution à la lutte contre l’effet de serre, vont subir, à plus ou moins long terme, le réchauffement annoncé.
Les résultats de leur étude, financée par l’ANR (Agence Nationale de la Recherche) et qui a duré 5 ans, ont été présentés le 17 novembre à Paris et complètent l’étude du Cemagref dont nous vous avons rendu compte dans un article précédent. Toutes leurs conclusions vont dans le même sens : soumis à des épisodes de sécheresse plus fréquents, longs et sévères, les arbres, selon les régions ou les essences, seront affectés à plus ou moins longue échéance. Les indications ainsi recueillies vont permettre aux gestionnaires de traiter les problèmes là où ils se manifestent déjà et d’améliorer la résistance des forêts françaises.
Des résultats convergents sur les effets du changement climatique
Les scientifiques reconnaissent maintenant que leurs positions ont changé et que leur constat n’est plus aussi optimiste :
Il y a 10 ou 15 ans, on pensait que l’impact du réchauffement climatique serait bénéfique à la forêt. Au mieux nous irons vers une stabilisation, au pire vers une diminution de la production de nos forêts.
A partir d’observations, d’expérimentations et d’analyses, les chercheurs ont pu établir des modélisations des impacts du changement climatique sur la végétation. Les travaux ont été conduits dans 4 cadre différents : le projet Dryade, où ont été étudiés les dépérissements dus aux sécheresses de 2003 à 2006, le projet Drought+ (voir l’article du 13/8/2011) où l’adaptation des écosystèmes méditerranéen à été étudiée, les projets QDiv et Climator qui ont permis de préciser les impacts des différents scénarios climatiques régionalisés par les climatologues.
Les résultats convergent : les épisodes de sécheresse de plus en plus fréquents, longs et sévères, influent sur la santé et la productivité des peuplements forestiers. De plus, ils se conjuguent parfois avec des attaques de parasites, entraînant des conséquences variables selon les arbres, l’intensité de l’impact et les propriétés du sol. Ainsi des pertes de croissance et des mortalités anormales sont historiquement observés après chaque période de sécheresse extrême. De plus, certaines maladies des arbres sont liées aux conditions thermiques. Dans un contexte de réchauffement global, la vulnérabilité des arbres risque de devenir plus importante.
Certaines essences résisteront mieux que d’autres : ainsi le chêne vert et le pin d’Alep peuvent s’adapter pour faire face à une réduction prolongée des pluies en modifiant leur architecture ou leur feuillage. Mais la répartition des essences feuillues ou résineuses, leur productivité ou la restitution d’eau au milieu naturel seront affectées à plus ou moins longues échéance : le sud et le sud-ouest dans un futur proche (2050), les autres régions dans un futur un peu plus lointain (2010). Les modèles indiquent une extension vers le nord des espèces méditerranéennes (chêne vert par exemple), mais une régression des pins sylvestres au sud. Pour le hêtre, des divergences apparaissent entre les modèles d’impact.
Les observations et les modèles indiquent que les aires de répartition des arbres seront fortement modifiées par le changement climatique au cours du XXIe siècle.
Des outils pour la gestion des crises sanitaires
Les scénarios évoqués apportent ainsi aux gestionnaires d’espaces boisés des éléments pour gérer dès aujourd’hui les crises sanitaires. Des forestiers et des chercheurs travaillent au sein du RMT Aforce (Réseau Mixte Technologique pour l’Adaptation des forêts au changement climatique) consacré à la production d’outils pour aider les gestionnaires à préparer les forêts à ce changement. Il propose ainsi un ensemble d’actions d’adaptation de la forêt française.
Le projet Dryade a donné lieu à la publication d’un guide de gestion des forêts en crise sanitaire, qui s’adressent aux pouvoirs publics, aux gestionnaires, aux propriétaires, aux techniciens et à toute la filière forêt-bois. Des indicateurs, basés sur des critères identifiés pour caractériser les différents stades d’une crise sanitaire en forêt, permettent ainsi aux gestionnaires de la gestion courante à une surveillance accrue ou à une gestion de crise. Ce guide contribue ainsi aux recommandations du Plan National d’Adaptation au Changement Climatique.
Le projet Climator a quant à lui donné lieu à un « livre vert », à l’intention de l’ensemble des acteurs du monde agricole et forestier, qui permet d’appréhender les impacts du changement climatique sur les surfaces boisées.
Mais les chercheurs précisent que les incertitudes restent fortes sur les régions, sur la capacité d’adaptation des écosystèmes et même sur l’aptitude à modéliser leur fonctionnement. Leur étude a cependant l’avantage de souligner les situations vulnérables en fonction de la zone climatique, de l’essence et du milieu naturel local. Elle donne d’autre part aux gestionnaires des outils leur permettant de prévoir et d’innover.
Sources : INRA, Le Journal de l’Environnement