Le journal du CNRS a publié le point de vue de deux juristes sur le recours en justice éventuel des ONG formant l’Affaire du siècle. Celles-ci visent à faire condamner l’État pour inaction contre le changement climatique. Leur pétition, lancée à quelques jours de Noël, engrange fin janvier plus de 2,1 millions de signatures.
De multiples actions en justice
Cette action n’est pas pour autant une première : depuis 5 ans les recours en justice de la société civile contre les Etats et leur inertie face au changement climatique se multiplient. Mais ils se nourrissent les uns des autres. Serviront-ils un jour à faire avancer la cause du climat ? C’est tout l’enjeu de ces actions.
Ainsi, aux Pays-Bas, la justice, saisie par l’ONG Urgenda, a condamné le gouvernement à revoir sa politique en matière d’émissions de gaz à effet de serre. C’était une première en Europe. Peut-être bientôt suivie d’ailleurs par l’Irlande, où l’Etat se retrouve devant la Haute Cour, accusé par l’association Friends of Irish Environement de ne pas lutter contre le changement climatique. L’audience a commencé le 22 janvier.
En Colombie, un groupe de jeunes a réussi à faire reconnaitre de la même manière la nécessité de lutter contre la déforestation. Au Pakistan, c’est un agriculteur qui a demandé avec succès aux juges que l’État adopte une législation climatique protégeant son exploitation et garantissant son droit à l’alimentation et son accès à l’eau.
« Sans parler des précédents étrangers, il faut rappeler que, à l’initiative de l’association Les Amis de la Terre, l’État français a déjà été condamné pour l’insuffisance de son action environnementale et notamment tout récemment pour des manquements dans l’application d’une directive européenne sur la qualité de l’air (arrêt n°394254, 12 juillet 2017)« , précisent les juristes
Les institutions européennes sont d’ailleurs elles-aussi mises en cause et font l’objet d’un recours devant la Cour de Justice de l’Union Européenne pour le manque d’ambition de leur politique climatique. Recours formé par 11 familles, majoritairement européennes, mais aussi des Fidji et du Kenya. « On comptabilise désormais plusieurs centaines d’actions en justice, qui touchent déjà 29 pays » précisent les juristes Sandrine Maljean-Dubois et Ève Truilhé, qui signent l’article.
Sortir de l’immobilisme
Pour en revenir à la France, préalable indispensable à toute demande de dommages et intérêts devant la justice, une demande d’indemnisation a été adressée à plusieurs représentants de l’État. Ceux-ci ont deux mois pour accéder à cette demande. En l’absence de réaction de leur part – probable – les ONG de l’Affaire du siècle pourront engager une action.
Elles souhaitent dans un premier temps faire condamner L’État pour « carence fautive », type de recours qui vise à sanctionner son inertie. Des demandes indemnitaires devraient également être déposées avec pour double objectif de réparer le préjudice moral causé aux associations et le préjudice écologique causé à la nature. Elles ont surtout une valeur symbolique et visent à participer à la prise de conscience collective sur l’urgence d’agir.
Une demande qui n’a « rien de farfelu« , selon les deux juristes : « La prolifération des recours tout autour de la planète produit en tout cas des effets bien visibles : les associations s’inspirent des stratégies des précédents recours, et des juges d’un naturel plutôt prudents s’enhardissent à mesure que les condamnations sont prononcées. Le droit peut-il sauver le climat ? Il peut en tout cas contribuer à sortir de l’immobilisme, même si les recours déposés devant la justice mettent souvent plusieurs années à être statués… et que le temps presse. »
Sources : Le Journal du CNRS, Géo