Le Conseil d’Etat a donc de nouveau statué sur le projet de loi relatif à l’énergie, au climat et à l’environnement. Outre les observations sur les différents points qui font l’objet de l’article d’hier, l’avis porte sur les mesures destinées à lutter contre la fraude aux Certificats d’Economie d’Energie (CEE) qu’il rejette. Il examine aussi deux autres points : le paquet européen « Une énergie propre pour tous les Européens » et la régulation de l’énergie.
Le dispositif de lutte contre la fraude aux CEE
Un dispositif indispensable…
En préambule à ses observations sur le système proposé de lutte contre la fraude qui se développe en matière de CEE, le Conseil d’Etat souligne que le dispositif de CEE mis en place en 2005 constitue l’un des instruments majeurs de la politique de maîtrise de la demande d’énergie.
Il rappelle que « Les certificats sont matérialisés par leur inscription sur un compte individuel ouvert dans le registre national des certificats d’économie d’énergie, lequel enregistre l’ensemble des transactions et fournit une information publique sur le prix d’échange des certificats ».
Les manquements à la réglementation sont de natures très variées : forme des pièces justificatives, mauvaise application de la fiche standardisée, manquement portant sur le niveau de revenus des ménages concernés (en cas de lutte contre la précarité énergétique), manquement concernant la qualité, voire la réalité, des travaux.
… mais victime de son succès
Tous ces faits sont sanctionnés par le ministère chargé de l’énergie. Cependant, la très forte augmentation des obligations d’économie d’énergie au cours des dernières périodes (1 600 TWh cumac pour la 4ème période – 2018-2020) et donc des certificats demandés et délivrés a conduit à ne plus pratiquer de contrôles que par sondage.
Ceux-ci « sont de nature à favoriser le développement de fraudes de divers types, notamment l’attribution frauduleuse de certificats – économies d’énergie surévaluées ou non réalisées (fausses déclarations) – avec blanchiment de sommes issues d’activités délictuelles, comme l’ont relevé plusieurs rapports d’activité TRACFIN récents », note le Conseil d’Etat.
Le dispositif proposé et rejeté
Le dispositif proposé prévoit la suppression de la mise en demeure pour les manquements : « cette suppression ne soulève pas de difficulté ». Il prévoit aussi de mettre en place un mécanisme nouveau, permettant un contrôle à ‘égard d’une personne sanctionnée sur les CEE au cours d’une période passée. Ce contrôle serait confié « à un organisme tiers ».
Selon le Conseil d’Etat, « En ce qui concerne les certificats délivrés dans la période passée, cette étude ne précise pas quel est l’objet du contrôle, n’indique pas s’il peut déboucher sur de nouvelles sanctions, n’explique pas quels sont les pouvoirs de l’organisme tiers, les obligations de la personne contrôlée, n’apporte pas d’éléments sur la procédure à suivre dans le cas d’une opposition à contrôle de l’intéressé ».
De même, la nature de l’intervention de l’organisme tiers n’est pas claire, alors que ses missions devraient justement être précisément définies, notamment ses obligations et ses conditions de rémunération. De nombreux éléments de procédures doivent donc être précisés dans le projet de loi.
Il conclut donc sur le sujet : « Pour ces raisons, le Conseil d’Etat écarte dans la version du texte qu’il retient l’ensemble du dispositif proposé qui, à ce stade, ne définit pas ses objectifs et ne précise pas clairement les missions et obligations de chacun ».
La mise en œuvre du paquet européen « Une énergie propre pour tous les Européens »
Deux autres points sont enfin examinés dans cet avis. Le premier est la mise en œuvre par ordonnance du paquet européen « Une énergie propre pour tous les Européens ». Celle-ci ne soulève pas de difficulté juridique, selon l’autorité.
« Le Conseil d’Etat estime toutefois indispensable que le délai d’habilitation imparti au Gouvernement pour chaque ordonnance soit adapté pour être cohérent avec les dates prévues, par les directives pour leur transposition ou par les règlements pour leur entrée en vigueur, de façon à ce que chaque ordonnance respecte ces dernières dates. »
La régulation de l’énergie
Le dernier point abordé porte sur la régulation de l’énergie. Il comprend une disposition relative au collège de la Commission de Régulation de l’Energie (CRE), une possibilité de « légiférer par ordonnance, en ce qui concerne les procédures de règlement des différends », ainsi qu’une autre permettant au gouvernement de « légiférer par ordonnance pour permettre à la Commission de régulation de l’énergie de recourir à la transaction » sur de très nombreux litiges
A part un bémol pour « une étude d’impact très succincte » sur une mesure relative à un mécanisme de transaction sur un remboursement partiel de la CSPE qui « n’a pas été affectée à sa finalité environnementale » et qui devrait être complétée, ce point ne suscite pas non plus de réaction négative du Conseil d’Etat.
Source : Avis du Conseil d’Etat