Une équipe de scientifiques français, monégasques et italiens, a pu analyser des déchets marins et des microplastiques en Méditerranée, pour la première fois jusqu’à 2200 m de fond. Ils ont observé que les grands fonds sont des zones d’accumulation importante de nos déchets, avec un impact marqué sur la faune. Ces déchets marins se révélant impossible à éliminer, ils recommandent d’accroître les mesures de prévention.

Des vidéos proches du fond
Les observations ont été menées grâce au submersible Victor 6000, à bord du navire Atalante de la Flotte océanographique opérée par l’Ifremer, en 2018. Les résultats ont donné lieu à un article publié dans Science of the Total Environment. « On sait qu’il y a des zones d’accumulation de déchets au large, mais c’est la première fois que nous menons des mesures aussi précises à de telles profondeurs en Méditerranée, avec des vidéos proches du fond et des prélèvements dans les sédiments », souligne François Galgani, chercheur à l’Ifremer, spécialiste des plastiques et un des auteurs de la publication.
La zone de recherches comprenait 7 canyons sous-marins et des monts plus au large dans la plaine abyssale, entre la France, Monaco et l’Italie en mer Ligure. La forte accumulation de ces déchets marins (gobelets, seaux de plage, ballons, bouteilles…) se révèle d’origine urbaine sur les canyons en face de grandes villes.

Des prélèvements dans les sédiments
« Ces déchets urbains sont dominés par les plastiques. Les canyons jouent un rôle de conduit, les déchets descendent vers les grands fonds sous l’effet des courants marins. Plus au large, au niveau des monts sous-marins, les déchets sont de nature différente, davantage liés à la pêche, avec des lignes perdues ou des filets », explique Michela Angiolillo, chercheuse à l’ISPRA et une des auteurs de l’article.
Jusque dans les grands fonds, les déchets marins sont aussi constitués de microplatiques. Et des prélèvements de sédiments en ont montré des teneurs significatives. Avec bien évidemment des impacts sur la faune vivant dans ces grands fonds, et notamment les gorgones et les coraux profonds.
« 70% des déchets ont une interaction avec la faune vivant sur le fond : soit les espèces se servent des déchets pour se fixer et accroître leur zone d’habitat, soit elles sont victimes de blessures, d’étranglement, d’emmêlements. On ne s’attendait pas à trouver un pourcentage si élevé », souligne Olivia Gérigny, chercheuse à l’Ifremer et également auteure de l’étude.
Une seule solution : la prévention des déchets marins
La réduction de ces déchets marins à la source est un impératif, car cet environnement est trop inaccessible pour être nettoyé. En effet, 95 % des déchets marins finissent dans les grands fonds, selon François Galgani, la pollution de surface n’étant que la « partie émergée » de l’iceberg. Ce constat confirme également que la meilleure solution pour lutter contre la pollution plastique reste la prévention.
Ces données de l’Ifremer viennent compléter le bilan mondial sur le cycle des déchets en mer. Il compile au moins 12 millions d’analyses sur la composition des déchets. Il confirme la prédominance des emballages alimentaires et des déchets de pêche dans les déchets marins, avec une prédominance plus marquée des plastiques alimentaires dans les pays en développement et des engins de pêche dans les pays industrialisés.
Source : Ifremer