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DEEE : l’Inde réagit et va limiter les importations de déchets européens

Déjà en 2008, le Programme des Nations-Unies pour l’Environnement (PNUE) attirait l’attention sur les 50 millions de tonnes de déchets d’équipements électriques et électroniques (DEEE) produits chaque année, dont une grande partie atterrissait dans les pays émergents. Il renouvelle cette alerte de prolifération des DEEE dans des pays comme l’Inde dans un rapport récent. Si rien n’est fait, d’ici 2020, le PNUE prévoit une explosion des déchets à traiter : une multiplication par 5 des ordinateurs et par 18 des téléphones mobiles par exemple.

traitement des dechets en Inde
source : école polytechnique de Lausanne

DEEE locaux et importés

En Inde, ces DEEE sont de deux sources : une partie provient de l’élévation du niveau de vie des ménages indiens qui se manifeste entre autres par l’achat d’équipements électroménagers et électroniques,  dont ils se débarrassent lorsqu’ils sont hors d’usage ou obsolètes, une autre partie provient de l’importation massive « d’appareils de seconde main ». Appellation qui donne à penser que la frontière est souvent bien mince entre la notion de réutilisable pour les uns et de hors service pour les autres. Environ 50 000 tonnes de ces « équipements d’occasion » arrivent en Inde chaque année en provenance des Etats-Unis, des Emirats Arabes Unis ou encore de l’Union Européenne, un « don caritatif » un peu encombrant et qui peut provoquer une situation sanitaire préoccupante.

Un circuit de traitement très informel

En effet, 90 % des DEEE en Inde échappent au traitement par des entreprises qualifiées (fort peu nombreuses au demeurant), et sont traités de manière informelle par des familles qui achètent des appareils pour les démonter et en extraire les matières valorisables qu’ils revendent pour se créer un revenu. La récupération des déchets relève d’une tradition en Inde, expliquée ainsi par David Rochat de l’EMPA (Laboratoire Fédéral d’Essai des Matériaux et de Recherche, soit LFEM, laboratoire suisse plus connu sous son sigle allemand) :

Contrairement aux systèmes sophistiqués de collecte, de transport et de recyclage des déchets électroniques européens, le système indien s’est développé naturellement à partir d’une économie du déchet existante, qui absorbait et valorisait les matières provenant des navires, des véhicules hors d’usage, de la démolition. Avec l’avènement de l’ère des nouvelles technologies, ce secteur économique bien établi commença à absorber les déchets électroniques pour en extraire les différents métaux contenus, afin de les revendre à l’industrie de la métallurgie, jusqu’à ce que certains se spécialisent dans le recyclage de déchets électroniques.

Des risques non négligeables

Ces appareils électroniques contiennent bon nombre de déchets toxiques : des métaux précieux comme l’or et l’argent, mais aussi du cadmium, du plomb et du mercure. Les composants valorisables sont extraits par des procédés très rudimentaires : incinération pour extraire le cuivre, lixiviation de l’or avec du cyanure à l’air libre… La manipulation des produits contenant mercure, plomb et cadmium entraîne une pollution des sols et des nappes phréatiques et une contamination des riverains.

(…) le secteur largement informel du recyclage des DEEE ne se réfère à aucune norme environnementale ou sociale. Il en résulte un fort impact social, avec un travail peu rémunéré, parfois pratiqué par des enfants, ainsi qu’un fort impact environnemental, les travailleurs n’étant pas conscients du contenu toxique de ces déchets ou les traitant par des procédés chimiques sans précautions. Le système de recyclage indien possède certaines faiblesses qui sont à l’origine de graves problèmes, notamment du fait que ses motivations ne reposent pas sur des intérêts environnementaux ou sociaux, mais sur le gain économique.

Des lois en préparation

Face à cette situation, le gouvernement indien réagit : il cherche à réguler les importations massives d’appareils pudiquement appelés d’occasion et qui ne sont souvent que carcasses d’ordinateurs, de réfrigérateurs ou d’autres appareils totalement inutilisables. Depuis 2008 et la loi sur les « déchets hasardeux », l’entrée sur le territoire indien des DEEE est soumise à l’obtention d’un permis. Un projet de loi engage plus encore la responsabilité des importateurs : ils devront remplir une déclaration spécifique comportant le poids, les caractéristiques des déchets et le degré de toxicité de chaque composant (un seuil fixé de toxicité ne devra pas être franchi). Et les appareils d’occasion ne seront plus acceptés. Ce durcissement des règles est ainsi expliqué par Paresh Parekh, directeur de Total Waste :

Beaucoup d’entreprises étrangères, et en particulier européennes, exportent leurs déchets en Inde, alors même qu’elles touchent de l’argent, via des taxes ou autres, pour assurer le recyclage de ces déchets. Or, ce sont les importations de DEEE qui alimentent en grande partie des décharges. Cet état de fait est plutôt contradictoire avec le principe de responsabilité des producteurs dont les européens parlent tant.

Mais l’interdiction de l’importation ne se révélera pas suffisante, puisque l’Inde produit elle aussi de plus en plus de DEEE : la vente des NTIC (Nouvelles Technologies de l’Information et de Communication) y augmente exponentiellement. Le gouvernement indien cherche donc à mettre sur pied une filière de recyclage propre et sécurisée. Approche toute nouvelle, puisqu’il ne s’agit plus seulement là de gain économique. Il impose ainsi aux entreprises de recyclage une certification.

Le circuit informel ne devrait donc plus pouvoir acheter de déchets à valoriser. Mais comment en intégrer les travailleurs ? Un état du sud de l’Inde, le Karnataka, mène actuellement une expérience de coopération d’entreprises internationales et locales pour rassembler ces micro-entreprises de recyclage et développer leur savoir-faire. Mais actuellement seulement 13 entreprises indiennes sont certifiées pour isoler les composants des DEEE, et une seule pour les recycler… et encore ne travaillent-elles qu’à 50 % de leur capacité : en effet, le circuit informel achète encore les déchets à meilleur prix que les entreprises qui ont plus de frais.

Le PNUE propose une répartition des tâches

On comprend bien les inquiétudes manifestées par les instances internationales, qui considèrent que l’urgence est là et que la capacité à agir collectivement est vitale. Pour réussir, la filière mondiale du traitement des DEEE doit être viable économiquement et passer par une répartition des responsabilités des pays.

Le PNUE distingue plusieurs étapes au processus de valorisation des déchets : collecte, tri/désassemblage et prétraitement et traitement final, et propose une segmentation de ces différentes étapes : tri et prétraitement des déchets chez les uns, traitement final et extraction des ressources valorisables chez les autres. Si cette répartition peut sembler fondée en raison des savoir-faire de chacun, il existe quand même un risque qu’elle soit mal acceptée et fort difficile à mettre en œuvre.

Sources : Novethic (article du 24/8/2010 et article du 17/9/2008), GreenIt, L’état de la planète

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