Le changement climatique confronte les forêts tropicales à un avenir incertain. Selon un article paru en mai dans Science, les forêts tropicales continueront à constituer un réservoir de CO2, à condition que la température diurne ne dépasse pas 32°C. Et pour cela, les pays doivent limiter leurs émissions de gaz à effet de serre.
Les résultats d’une recherche internationale portant sur des décennies
L’étude est le fruit des recherches d’une équipe internationale de 225 scientifiques, dont 4 du Cirad (Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement), coordonnée par l’Université de Leeds (Royaume-Uni). Elle a scruté de près plus d’un demi-million d’arbres dans 813 forêts tropicales du monde entier.
Elle a ainsi mesuré plus de 10 000 espèces d’arbres différentes dans les forêts tropicales d’Amérique du Sud (dont la Guyane française, « le plus grand massif forestier tropical d’Europe« ), d’Afrique et d’Asie et recueilli des données sur plusieurs décennies. Son objectif était d’évaluer la quantité de carbone stockée par ces forêts qui poussent dans des conditions climatiques différentes et évolutives.
32° : le seuil à ne pas dépasser pour les forêts tropicales
Actuellement, les forêts tropicales stockent l’équivalent d’un quart de siècle d’émissions d’émission de dioxyde de carbone. Mais leur équilibre est fragile. Il pourrait se rompre si la croissance des arbres diminuaient ou si leur taux de mortalité augmentait sous l’effet du réchauffement climatique. Selon Bruno Hérault, coauteur de l’étude, « il ressort qu’aujourd’hui le stock de carbone contenu dans ces forêts reste stable jusqu’à une température diurne seuil de 32°C. Au-delà de ce seuil, ce stock diminue très fortement ».
Or cette température diurne de 32°C risque d’être dépassée pour un grand nombre de forêts tropicales. Car l’objectif actuel d’augmentation de 2° maximum, fixé par les accords internationaux sur le climat, reviendrait à dépasser ce seuil des 32°, fatidique pour bon nombre de forêts tropicales. Si cette limite de 32° était dépassée, elles pourraient à leur tour devenir émettrices de carbone. Des températures trop fortes diminuent en effet la productivité des arbres et augmentent leur taux de mortalité. Or, lorsque la quantité de carbone gagnée par la croissance des arbres est inférieure à celle perdue par la mortalité, les forêts se mettent à libérer plus de dioxyde de carbone qu’elles n’en absorbent.
L’objectif de 2° insuffisant
« Si nous limitons les températures moyennes mondiales à une augmentation de 2°C par rapport aux niveaux préindustriels, cela pousse près des trois quarts des forêts tropicales au-dessus du seuil de température que nous avons identifié. Toute nouvelle augmentation de la température entraînera des pertes rapides de carbone forestier en zone tropicale », indique ainsi Martin Sullivan, l’auteur principal de la publication, chercheur à l’Université de Leeds. Il précise que « chaque degré d’augmentation de la température libérerait 51 milliards de tonnes de CO2 des forêts tropicales dans l’atmosphère ».
« Au Cirad, le dispositif de terrain de Paracou en Guyane Française a été mobilisé dans cette étude. Sur ce site, plus de 70000 arbres sont mesurés régulièrement depuis le début des années 1980, fournissant un précieux jeu de données pour comprendre les changements opérant dans les forêts tropicales sous l’effet des pressions anthropiques », souligne Géraldine Derroire, chercheure au Cirad.
Pour les co-auteurs : « Cette étude souligne tout l’intérêt des collaborations à long terme en matière de recherche. Elles sont essentielles pour comprendre et anticiper les effets du changement environnemental sur le fonctionnement de la planète. Face aux enjeux climatiques du XXIème siècle, les scientifiques doivent plus que jamais travailler ensemble, car la surveillance de la santé des grandes forêts tropicales de notre planète est vitale pour nous tous ».
Source : Cirad