Les experts du GIEC ont présenté au Nations Unies le rapport spécial sur l’objectif de 1,5° de limitation du réchauffement climatique, par rapport à l’ère préindustrielle. L’ONU, lors de la COP21 (Paris, 2015) les avaient chargés d’évaluer les travaux scientifiques consacrés au réchauffement climatique dans ce rapport, intitulé Réchauffement de la Planète à 1,5° C.
Un rapport spécial commandé en 2015
Les 86 experts du GIEC, issus de 39 pays (la France compte 4 auteurs parmi eux), ont passé en revue des milliers d’études scientifiques parues ces dernières années, pour détailler dans ce rapport les conséquences attendues d’un réchauffement de la planète à 1,5° et à plus par rapport aux niveaux préindustriels et « les risques associés à une telle augmentation de température« .
Commandé lors de l’Accord de Paris, ce rapport avait une échéance précise : fin 2018. Il s’agit de la date à laquelle les pays sont invités à revoir à la hausse leurs ambitions en matière de gaz à effet de serre, dans le cadre des négociations de l’ONU sur le climat (COP24 à Katowice en Pologne, début décembre).
« Il y a trois ans, il n’y avait pas beaucoup de littérature scientifique sur un réchauffement à 1,5°C, » explique Jim Skea, professeur à l’Imperial College de Londres et coprésident du Giec.
Maintenir la hausse à 1,5°C
Le rapport se concentre sur les scénarios en prenant en compte différentes trajectoires d’émissions de gaz à effet de serre, compatibles avec l’objectif 1,5°. Il détaille pour chacune les bénéfices et les risques en fonction des options retenues. « Cette décennie est celle de la croisée des chemins. Tout dépendra des choix collectifs et individuels pris à court terme, et non pas dans un futur lointain« , analyse Valérie Masson-Delmotte, climatologue et coprésidente du groupe de travail numéro un du Giec (Étude des principes physiques du climat). « Nous ne disons pas qu’il est trop tard pour agir, mais qu’il faut accélérer un effort encore trop balbutiant pour espérer rester sous la barre de 1,5°C. Même si la température est stabilisée, le niveau de la mer continuera à monter inexorablement forçant des millions de personnes à se déplacer« .
Le texte de 400 pages décrit une nette différence d’impact si on arrive à maintenir la hausse à 1,5°, par rapport à 2°. Mais est-il encore envisageable de maintenir l’augmentation de la température en-dessous de 1,5°C ? « On ne donne pas de réponse simple« , prévient Valérie Masson-Delmotte. Mais « on est maintenant à la croisée des chemins. Regarder 1,5°C, c’est regarder ce qui va nous arriver, dans notre vie, pas à la génération suivante. »
Pour stabiliser l’augmentation à 1,5°, le texte est clair : il faut arriver à une neutralité d’émissions de gaz à effet de serre au milieu du siècle. C’est à dire ne pas émettre dans l’atmosphère plus que ce que nous sommes capables d’en retirer. Les trajectoires compatibles avec 1,5° mentionnent les « techniques d’extraction de CO2 de l’atmosphère » comme incontournables.
Un résumé à approuver
« La science nous avertit de la gravité de la situation, mais la science aussi, et particulièrement au sujet de ce rapport spécial, nous aide à comprendre les solutions à notre disposition« , a déclaré le président du GIEC, Hoesung Lee. « Ensemble, nous produirons un résumé clair, et solide à l’intention des décideurs politiques, qui répond à l’invitation des gouvernements il y a trois ans tout en respectant l’intégrité scientifique du GIEC. »
Mais il reste encore des inconnues. La réaction des Etats, appelés à approuver par consensus le « résumé à destination des décideurs » constitue la première. L’autre est la réaction américaine. Avec un président climato-sceptique, « Les États-Unis pourraient soutenir la science, comme ils l’ont fait dans le passé, ou se mettre à faire de l’obstruction« , dit un auteur sous couvert d’anonymat. « Toutefois, souligne Valérie Masson-Delmotte, quand un pays n’est pas d’accord, son nom est inscrit en bas de page et il est rare qu’un gouvernement accepte d’être ainsi épinglé. »
Réunis à Incheon, en Corée du Sud, les 193 Etats doivent se mettre d’accord dans la semaine.