
La Cour des Comptes a examiné la mise en œuvre de la politique de lutte contre l’habitat indigne au cours des années 2015 à 2020. Malgré une boîte à outils étoffée et quelques réussites au niveau local, elle pointe des dysfonctionnements dans la stratégie de lutte contre les logements insalubres. Elle formule quatre recommandations afin de l’améliorer.
L’habitat indigne : une réalité persistante
L’habitat indigne demeure une réalité en France. Celle-ci peut se révéler parfois tragique, aussi bien dans des contextes urbains qu’en milieu rural. La Cour des Comptes en relève des causes multiples. Cela va des difficultés d’accès à un logement décent en zone tendue, au déclin démographique de certains territoires en passant par la négligence, parfois coupable, de certains propriétaires.
La persistance de ce phénomène et l’insuffisance des initiatives privées pour y remédier imposent souvent à l’État et aux collectivités concernées de s’engager fortement, sur les plans juridique, opérationnel et budgétaire, pour accompagner ou se substituer aux propriétaires privés. Certains territoires ont ainsi conduit, parfois avec un succès remarquable, de grandes actions de résorption de l’habitat indigne dans le parc privé. Elle estime d’ailleurs que la diversification et le renforcement des instruments mis à la disposition des acteurs y ont certainement contribué.
« Cependant, malgré l’engagement des acteurs et l’existence d’une « boîte à outils » étoffée, la Cour constate que les résultats obtenus sont encore insuffisants au regard de l’ampleur estimée du phénomène », note-t-elle. Elle estime donc qu’il importe d’intensifier les démarches visant à caractériser l’habitat indigne, d’optimiser la coordination des acteurs concernés, de développer une approche stratégique et de renforcer les moyens de l’action pénale.
Renforcer les moyens d’identification des logements insalubres
La Cour des Comptes rappelle notamment que la seule estimation nationale du phénomène date de 2013. Établie par l’Anah (Agence nationale de l’habitat), à partir du croisement de diverses sources, elle a permis de mettre en évidence un « parc privé potentiellement indigne » de 420 000 logements. Mais cette estimation n’a pas été actualisée depuis. Identifier les logements insalubres constitue un des levier essentiel de la lutte contre l’habitat indigne.
La première recommandation qu’elle fait consiste donc à « développer un système d’information performant, adossé sur l’outil de repérage et de traitement de l’habitat indigne (Orthi) et interfacé avec les différents applicatifs existants ».
Optimiser la coordination des acteurs
Cette lutte, de plus, relève d’une action locale qui mobilise de très nombreux partenaires. Mais ceux-ci se heurtent à l’échelle nationale, à un déficit de coordination et, au plan local, à l’absence d’outils de suivi des actions menées. Les améliorations n’ont toutefois pas été accompagnées d’un ajustement et d’une réorganisation des moyens disponibles.
La seconde recommandation vise donc à « donner aux plans pluriannuels départementaux de lutte contre l’habitat indigne une dimension opérationnelle (orientations et objectifs chiffrés) et une force contractuelle ».
Mettre en place un organe de concertation
Les acteurs publics locaux souffrent également de ne pouvoir disposer d’un outil commun pour gérer les situations signalées d’habitat indigne. En effet, le système Orthi qui existe actuellement n’a qu’une fonction d’observation des situations. Mais il ne permet pas de collationner l’ensemble des actions mises en œuvre pour résoudre les désordres constatés.
Il faudrait donc, et c’est sa troisième recommandation, « mettre en place, au niveau national, un organe de concertation et d’orientation stratégique associant les principales parties prenantes de la lutte contre l’habitat indigne ».
Renforcer les prérogatives de police judiciaire des agents
Si les moyens publics ont été considérablement renforcés ces 20 dernières années, ils restent limités, inégalement répartis sur le territoire national et encore insuffisamment mutualisés. De même, la panoplie de sanctions pénales mobilisables pour réprimer les situations d’habitat indigne, contraindre au respect des règles de droit et sanctionner les propriétaires négligents ou malveillants, a été nettement renforcée par la loi Elan (2013).
Mais le nombre de sanctions pénales n’enregistre pas de progression significative malgré l’enrichissement de l’arsenal disponible et une forte mobilisation depuis 2019. La dernière recommandation porte donc sur le renforcement « des prérogatives de police judiciaire des agents assermentés des services intervenant en matière d’habitat indigne ».
Source : Cour des Comptes