Le Conseil d’Etat demande à l’Etat français de justifier sous 3 mois de ses efforts pour respecter la trajectoire de réduction de gaz à effet de serre à l’horizon 2030. C’est la première fois que la plus haute juridiction administrative est amenée à se prononcer dans un contentieux lié au changement climatique, et en l’occurrence à « l’inaction climatique », qui justifiait le recours.
Un recours pour inaction climatique soutenue par l’Affaire du Siècle
Le Conseil d’Etat a été saisi d’un recours de la commune de Grande-Synthe (Nord), petite ville des environs de Dunkerque, pour inaction climatique de l’Etat. Il suivait un refus du Gouvernement opposé à sa demande que soient prises des mesures supplémentaires pour respecter les objectifs issus de l’accord de Paris. Les villes de Paris et de Grenoble ont soutenu cette démarche, ainsi que plusieurs organisations de défense de l’environnement dont Oxfam France, Greenpeace France, Notre Affaire A Tous et la Fondation Nicolas Hulot, qui ont formé l’Affaire du Siècle. Requête jugée recevable car la commune du littoral de la Mer du Nord se trouve particulièrement exposée aux effets du changement climatique.
Selon le Conseil d’Etat, « si la France s’est engagée à réduire ses émissions de 40 % d’ici à 2030, elle a, au cours des dernières années, régulièrement dépassé les plafonds d’émissions qu’elle s’était fixés ». De plus, un décret du 21 avril 2020 reporte l’essentiel de ces efforts après cette année, voire après 2023. Ces engagements, issus de l’Accord de Paris, ont été déclinés aux niveaux européen et national.
Des justifications demandées au Gouvernement
La haute juridiction note que sur la période 2015-2018, la France a régulièrement dépassé le plafond d’émissions prévues. La baisse moyenne des émissions se situe autour de 1 % par an, alors que le plafond fixé imposait une réduction de l’ordre de 2,2 %, soit plus du double. Le report après 2023 des efforts « imposera alors de réaliser une réduction des émissions en suivant un rythme qui n’a jamais été atteint jusqu’ici ».
Elle estime ne pas disposer des éléments nécessaires pour se prononcer sur le fond de ce recours pour inaction climatique. A savoir juger si le refus du Gouvernement de prendre des mesures supplémentaires est compatible avec le respect de la nouvelle trajectoire, telle qu’elle résulte du décret d’avril 2020 pour parvenir à l’objectif fixé pour 2030.
Le caractère peu crédible de la trajectoire annoncée par le Gouvernement
Le Conseil d’Etat « demande donc au Gouvernement, de lui fournir, dans un délai de trois mois, les justifications appropriées », ainsi qu’à la commune requérante. En cas de justifications insuffisantes apportées dans ce délai, il pourra alors faire droit à la requête de la commune et annuler le refus de prendre des mesures supplémentaires.
Pour les ONG (Oxfam France, Greenpeace France, Notre Affaire A Tous et la Fondation Nicolas Hulot), qui soutenaient Grande-Synthe dans son recours pour inaction climatique, il s’agit d’une « avancée historique pour le climat ». « La décision du Conseil d’État rebat les cartes de la politique climatique de la France. En effet, en affirmant le caractère contraignant des objectifs de réduction d’émissions de gaz à effet de serre contenus dans la loi, la plus haute juridiction administrative met l’État face à ses responsabilités dans la crise climatique. C’est une véritable révolution en droit : les lois programmatiques sur le climat ont jusqu’ici été considérées par les gouvernements et parlements successifs comme de vagues promesses. Elles font désormais peser sur l’État une obligation de résultat, et l’engagent à mettre en œuvre des mesures concrètes et efficaces pour atteindre ces objectifs », déclarent les ONG, réunies dans l’Affaire du Siècle.
Sources : Conseil d’Etat, Notre Affaire à tous