Une quinzaine de parlementaires proposent d’interdire les courts vols intérieurs, et notamment chaque fois qu’ils ne font pas gagner beaucoup de temps sur le train. Des textes dans ce sens ont été présentés à l’Assemblée Nationale au début du mois, en se référant à la pollution du transport aérien, largement supérieure à celle du train. Mais est-il réellement possible de les interdire et quelles en seraient les conséquences ?
Des propositions dans l’air du temps
L’avion a décidément mauvaise presse ces temps-ci. La « honte de voler » déjà bien présente chez les Suédois nous gagne-t-elle ? Là-bas la « flygskam » pousse de nombreux voyageurs à prendre le train plutôt que l’avion, quitte à rallonger sérieusement leur temps de trajet. Les textes présentés en France proposent, selon le cas, d’interdire les vols intérieurs chaque fois qu’ils peuvent être remplacés par un trajet de moins de 5 heures en train (proposition de Delphine Batho), ou chaque fois qu’un autre mode de transport permet de faire le même trajet en deux heures trente de plus au maximum (proposition de François Ruffin).
Ces propositions n’ont pas été bien accueillies – on s’en doute – par les professionnels du secteur aérien. Certains y voient une stratégie environnementale « impossible à appliquer » voir « ridicule ». Ils y voient aussi un risque certain pour de nombreuses compagnies aériennes, y compris Air France, et rappellent que la filière aéronautique génère 100 000 emplois directs en France. Le gouvernement pour sa part estime qu’il n’y a « pas besoin de mettre des interdictions ».
Une enquête des journalistes du Monde
Pour aller plus loin, des journalistes du Monde ont étudié dans le détail les vols intérieurs utilisés par les Français. Cela a représenté en 2018 26,8 millions de passagers, dont 26,6 sur 149 liaisons principales. « Il en ressort que l’avion est bel et bien utilisé de manière parfois excessive en France, avec un poids considérable sur l’environnement », remarquent-ils.
Les propositions des députés viseraient une part considérable des vols intérieurs commerciaux entre les villes. Dans le premier cas (moins de 5 heures), plus de la moitié des trajets intérieurs individuels en 2018 auraient pu être remplacés par des voyages en train. Dans le second cas, cela représenterai environ un quart.
Certains vols intérieurs substituables, d’autres moins
Mais, selon leur étude, certains vols sont facilement substituables, d’autres moins. En effet, les chiffres bruts ne renseignent pas dur le poids des correspondances. La situation est très différente pour un Parisien se rendant dans une ville de province et l’habitant d’une ville de province qui ne fait qu’une escale à Paris pour y changer d’avion vers une destination étrangère. Pour le second, le vol intérieur peut représenter un gain de temps conséquent.
Le train s’impose comme une alternative convenable à la quasi-totalité des trajets passant par Paris. Mais ce n’est pas le cas pour les lignes transversales. Là une part non négligeable est plus difficilement substituable, faute de liaison directe en train. « Au total, plus de 2,4 millions de trajets individuels ne pourraient pas être remplacés par des trajets de moins de sept heures en train. » De même pour les liaisons entre la Corse et le continent (3,6 millions de passagers par an).
Une pollution bien réelle
Il n’en reste pas moins que les vols intérieurs polluent nettement plus que les trajets en train. Ils représentent 2 % des voyageurs-kilomètres parcourus. A capacité de transport gal, l’avion pollue deux fois plus que la voiture et 60 fois plus que le train. « A l’arrivée, réduire d’un quart ou de moitié le trafic aérien intérieur en le remplaçant au profit du ferroviaire pourrait donc tout de même représenter une réduction des émissions de gaz à effet de serre de l’ordre de 0,2 à 0,4 point. »
D’autres voix plaident plutôt pour une taxation alourdie de ces vols intérieurs. La mise en place d’une taxe kérosène, pour limiter les voyages en avion, est d’ailleurs envisagée par la Commission Européenne. Elle toucherait alors tous les Etats membres.
Sources : Le Monde, Le Bulletin des Communes