Les jeux olympiques d’hiver de Sotchi (Russie) prévus en 2014 suscitent des inquiétudes et des polémiques : les retards de chantiers, les expulsions d’habitants et l’impact des travaux sur l’environnement sont autant de préoccupations sérieuses pour les observateurs. Ainsi, le récent rapport du Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE) pointe une lenteur certaine des autorités russes pour mettre en place des mesures propres à protéger l’environnement.
Déjà des critiques sur d’autres aspects
Située sur les bords de la Mer Noire et proche des montagnes du Caucase, Sotchi est une station balnéaire ancienne, déjà appréciée des tsars, de Staline et plus récemment de Poutine qui a pesé de tout son poids pour l’attribution des prochains jeux d’hiver. L’endroit a déjà été critiqué en raison de sa proximité avec la Géorgie, objet d’une offensive militaire russe en 2008, et de la mosaïque de petits états du Caucase où subsistent toujours des restes de la guerre de Tchétchénie.
La ville de Sotchi, ainsi que le site de Krasnaïa Poliana dans les montagnes du Caucase, où se dérouleront les épreuves de ski, donnent actuellement lieu à des spéculations sur les terrains, à des constructions à tout va et à de vastes opérations immobilières par les milliardaires russes qui rachètent des sites parfois à des prix dérisoires pour y créer les infrastructures nécessaires. Le rachat des propriétés se fait parfois à des prix inférieurs de 10 fois aux prix du marché, aidé en cela par une loi simplifiée d’expropriation. En effet, le long du littoral, là où sont prévus les patinoires, le palais des médailles, des hôtels, le centre de presse, les pavillons des sponsors, le parc aquatique et le village olympique, était en partie habité par des communautés de « vieux-croyants », une minorité traditionaliste. Les autorités avaient promis de ne raser aucune maison, mais sont depuis revenues sur cette promesse.
Des jeux peu respectueux de l’environnement
Mais aujourd’hui, ce sont les impacts des installations sur l’environnement qui posent question. En juin 2009, pourtant, le PNUE avait signé un mémorandum avec l’organisation des jeux de Sotchi, et Dmitry Chernyshenko, président et chef de la direction de Sotchi 2014, avait annoncé :
La signature de cet important protocole permettra de s’assurer que Sotchi 2014 est capable d’introduire des normes vertes à tous les niveaux de la préparation des Jeux, et veillera à ce que le Comité d’organisation continue à travailler avec des experts environnementaux.
La récente visite du PNUE a donné lieu à un rapport beaucoup plus critique des résultats de l’avancée des travaux sur l’environnement : les sites olympiques, partis de rien, y sortent de terre. Mais le rapport demande instamment aux autorités russes de mieux évaluer l’impact des jeux olympiques sur l’écosystème local. Les autorités russes l’avaient évalué, mais sans « prendre en compte les effets cumulatifs et synergiques des différents projets sur les écosystèmes de la région et de la population ». Le rapport pointe ainsi
la mise en œuvre [trop lente] de décisions prises au niveau politique, afin de réduire et de compenser l’impact des projets olympiques et touristiques. L’agrandissement du parc national de Sotchi ; le renforcement du niveau de protection des zones les plus fragiles (…) ; l’installation de nouvelles zones protégées, en particulier le long de la côte de la mer Noire [tardent].
Les mesures insuffisantes portent aussi sur la création de nouvelles aires protégées sur les rivages de la Mer Noire, la protection des zones humides et des routes des oiseaux migrateurs faisant étape dans la région, des habitats naturels de la faune.
Les ONG environnementales ont rompu tout contact avec les organisateurs des jeux parce qu’aucune de leurs suggestions n’a jamais été prise en compte. Celles-ci avaient d’autre part dénoncé le tracé des nouvelles voies ferrées en raison de leur impact sur la faune et la flore. Le PNUE a proposé sa médiation entre les autorités et les associations pour un programme de suivi plus rigoureux des plans d’atténuation.
Les ONG essaient d’alerter sur les risques encourus par la région. Selon les géologues, la candidature avait été déposée sans que l’on ait procédé à la moindre étude géologique, or le sous-sol de la vallée est instable en raison de la présence de nombreuses rivières souterraines et non adapté aux ouvrages de grande envergure. D’autre part, les constructions faites dans les zones marécageuses asséchées vont dissuader les oiseaux migrateurs qui y font escale et les ONG préviennent des risques de retour des moustiques et de la malaria.
Poutine n’a cédé que sur un point : le village olympique des montagnes et la piste de bobsleigh, initialement prévus trop près de le Réserve Nationale du Caucase de l’Ouest, classée par l’UNESCO au Patrimoine Mondial de l’Humanité, et encore, sous la pression du PNUE.
Moscou s’est défendu des reproches du rapport de l’ONU en précisant que l’environnement est toujours affecté par l’organisation d’une manifestation comme les jeux olympiques et que le plus important était la création d’emplois et l’apparition de nouvelles infrastructures routières.
D’autre part, les jeux de Sotchi risquent d’être parmi les plus chers de l’histoire olympique. Il faut en effet tout créer sur place et les infrastructures soviétiques doivent être totalement reprises et modernisées. Le premier président d’Olymstroï, consortium d’état chargé du chantier des jeux olympiques d’hiver, a démissionné en avril 2009, sept mois après sa nomination, jugeant que les estimations initiales comportaient des lacunes profondes, notamment l’absence de fonds prévus pour le rachat des terres.
Sources : Centre d’actualités de l’ONU, L’Express, Le Monde, Enerzine