Selon une enquête faite sur la circulation à Bruxelles, et malgré ce qu’en croient de nombreux automobilistes, supprimer une bande de circulation sur la largeur d’une rue, pour créer une piste cyclable par exemple, ne provoque pas d’embouteillages supplémentaires. Ce raisonnement intuitif est en effet démenti par les études et les expériences : ce n’est pas la largeur de la rue qui compte, mais l’organisation des carrefours qui la croisent et peuvent contribuer à sa fluidité. Mieux encore, supprimer une bande de circulation sur une artère encombrée peut encourager au report modal.
Ajouter ou supprimer des voies de circulation ?
Ajouter à l’infini des bandes de circulation ne fluidifie pas le trafic. L’autoroute Interstate 10 à Houston aux Etats-Unis en est un exemple flagrant. Passée de 6 voies à sa création, puis 8 en 2000, puis10 en 2004 et à 13 voies en 2008, elle a vu la congestion du trafic s’aggraver au fur et à mesure.
A contrario, pour prendre des exemples plus près de nous, à Bruxelles, les expériences ont montré que la circulation ne se détériorait pas avec des voies en moins. Le boulevard Général Jacques, artère très fréquentée, est passé de 3 à 2 voies, avec la création d’une piste cyclable dans chaque sens. Et on a constaté une amélioration de la fluidité du trafic, tant aux heures creuses qu’aux heures de pointe. Car parallèlement, les carrefours ont été réorganisés et c’est cette nouvelle organisation qui a contribué à sa fluidité. « En ville, ce sont les carrefours qui déterminent la capacité d’un axe et non les axes eux-mêmes. La capacité d’un carrefour, c’est sa capacité à absorber les différents mouvements, la fluidité avec laquelle ces véhicules passent », explique le bureau d’études belge Stratec. Les axes sont souvent surdimensionnés par rapport aux carrefours en amont et en aval.
Report modal et accessibilité d’une ville
Un autre phénomène montre ce que devient le flux de voitures qui n’encombrent plus ces artères. C’est celui de la fermeture pour cause d’incendie du pont Mathilde à Rouen en 2012. Il s’agit de l’un des 6 ponts de la ville qui accueillait à lui seul 80 000 voitures sur les 200 000 passant d’une rive à l’autre de la Seine. Une étude a montré que 50.000 voitures se sont reportées sur les cinq autres ponts de la ville. 30 000 voitures ont donc disparu de la circulation du jour au lendemain. Les transports en commun de Rouen ont constaté 9 000 validations supplémentaires par jour. Enfin, 3 200 piétons et 400 cyclistes en plus ont été également décomptés. Cela signifie donc qu’une partie des gens choisissent de ne plus se déplacer, ou de le faire via un autre moyen de transport, à une autre heure ou via un autre itinéraire
Les auteurs de cette étude remarquent que « les modes alternatifs (ont) absorbé près de la moitié de la baisse des déplacements en automobiles. L’évaporation de trafic n’est donc pas qu’une pure et simple disparition. Elle s’accompagne d’un report modal qui est justement l’objectif recherché par les politiques publiques ». Et si l’on souhaite un report modal vers le vélo, il faut pour cela créer des pistes cyclables.
Car l’accessibilité d’une ville ne se réduit pas à la circulation en voiture. « L’accessibilité, c’est quoi ? C’est un certain de nombre de personnes qui peuvent arriver en ville dans un certain temps. Et lorsqu’il y a une congestion de voitures, la vitesse chute donc l’accessibilité chute aussi. Et puisque toutes ces voitures sont remplies en moyenne de 1,3 personne, l’accessibilité de la ville n’est plus si bonne que ça. Les gens sont alors obligés d’utiliser d’autres modes plus capacitifs comme les transports en commun, la marche, le vélo. C’est d’ailleurs pour ça que ces derniers modes de transports ont beaucoup plus de succès en ville qu’en dehors », explique le bureau Stratec.
Source : RTBF