Le week-end dernier, nous avons encore une fois changé d’heure pour revenir à l’heure d’été. Et ce n’est pas le dernier changement d’heure. Pourtant, depuis 2018, la Commission européenne a proposé de le supprimer. Le Parlement européen devait statuer en 2019 après l’avoir très largement approuvé dans une résolution. Mais Covid-19 oblige (notamment), d’autres préoccupations se sont inscrites au programme et la fin du changement d’heure semble tomber aux oubliettes. Pourtant, fortement contesté, ce dernier n’entraîne que des économies d’énergie très marginales et qui diminuent dans le temps.

Des citoyens européens pour la fin du changement d’heure
La fin du changement d’heure devait intervenir en 2019, puis a été repoussée à 2021. Mais en 2022, toujours rien. En discussion depuis 3 ans et malgré une grande majorité des citoyens européens favorables, le projet semble bien ajourner sine die. Une consultation publique, une proposition de nouvelle directive et une résolution du Parlement européen plus loin, on en est toujours au point de départ.
En France, la consultation publique avait donné des résultats sans appel : 84 % votaient pour la fin du changement d’heure, à l’image de la consultation publique européenne d’ailleurs, et 59 % se déclaraient pour le maintien toute l’année de l’heure d’été. Sur ce dernier point cependant, l’Etat n’a jamais pris position. Il était en effet prévu dans la résolution du Parlement européen que chaque Etat membre opte soit pour l’heure d’été, soit pour celle d’hiver.
Déjà utilisé au XXème siècle à différentes reprises, puis abandonné, le changement d’heure a été réintroduit en France en 1976, après le chocs pétroliers pour favoriser des économies d’énergie, puis il s’est généralisé dans l’Union Européenne. Mais si les économies d’énergie qu’ils devaient apporter semblaient prometteuses à l’époque, elle se sont considérablement amenuisées dans le temps.
Des économies d’électricité très modestes
Les gains du changement d’heure à l’époque avoisinaient les 10 %. Aujourd’hui, on les évalue à environ 1 %, soit l’équivalent de la consommation électrique de 70 000 foyers, ou si l’on envisage que l’éclairage, celle de 800 000 foyers. Ils ont été absorbés par l’usage, notamment dans l’éclairage public, passé depuis un moment déjà à des moyens basse consommation. En 2014, l’Ademe les jugeait « réels mais modestes ».
Selon Anna Creti, professeur d’économie à l’Université de Paris Dauphine-PSL, « la demande d’électricité est juste déplacée, décalée, mais structurellement, elle ne change pas. Certes, la question des économies est plus importante que jamais, et on se dit que même des petits efforts sont importants. Mais à ce titre, il ne faudrait pas attendre de faire l’effort juste en fin de journée, c’est un changement structurel qu’il faut encourager. Les vraies économies d’énergie arrivent quand on consomme moins tout le long de la journée, encore plus quand on fait des investissements qui font baisser durablement la demande d’énergie. ».
Le changement d’heure ne fait pas partie des priorités
C’est donc tout le comportement qu’il faut revoir. D’autant que depuis les années 70, les usages de l’électricité se sont démultipliés, et la consommation des ménages n’a cessé d’augmenter. Si les gains occasionnés par le changement d’heure sont aujourd’hui marginaux, il reste à s’appuyer sur le ressenti des citoyens pour décider de la fin du changement d’heure. Mais encore faudrait-il que les instances européennes remettent la question à l’ordre du jour. Du côté du Conseil de l’Union Européenne, les discussions se sont poursuivies jusqu’au 2 décembre 2019, à l’occasion d’une réunion des ministres européens des Transports. Ceux-ci demandaient alors qu’une étude d’impact soit menée par la Commission pour évaluer le bienfondé d’une telle décision.
La pandémie en est-elle vraiment responsable, ou encore les difficiles accords économiques qui ont suivi le Brexit ? ou encore maintenant la guerre en Ukraine ? En tout cas, selon l’eurodéputé suédois, Johan Danielsson qui a hérité du dossier au mois de février 2020, « les Etats membres n’avaient pas beaucoup exprimé leur intérêt dans ce dossier avant même la pandémie ». Il reste cependant persuadé qu’une « vraie discussion sur une heure standardisée au Conseil pourrait être la clé pour résoudre certaines incertitudes et permettre aux Etats membres de trouver un accord ». Mais la fin du changement d’heure a pris beaucoup de retard et n’est toujours pas à l’ordre du jour.
Sources : Le Monde, France-Info, Toute l’Europe, l’Internaute