Un rapport de l’IDDRI (Institut du développement durable et des relations internationales), publié en mars 2012, vient nous rappeler que si la précarité énergétique dans sa dimension logement est maintenant largement identifiée et connue, celle des transports, pourtant intégrée dans les attributions de l’Observatoire national de la précarité, le semble beaucoup moins. Or cette vulnérabilité énergétique liée au transport représente aussi un enjeu considérable puisqu’elle concerne 23 % des ménages de l’aire urbaine de Lyon, prise comme appui de l’étude.
Qu’est-ce que la vulnérabilité énergétique ? « une situation de tension qui peut aboutir à une situation de précarité, où cette tension a alors des conséquences réelles sur le ménage. » Cette vulnérabilité se renforce chez les ménages périurbains, qui parcourent le plus de kilomètres au quotidien et ont les dépenses de carburant les plus élevées. Il ne s’agit pas des ménages parmi les plus pauvres, mais ceux qui ont des revenus moyens, légèrement inférieurs à la médiane, qui vivent dans des zones périurbaines lointaines ou des zones rurales et parcourent deux fois plus de kilomètres que la moyenne. Une majorité, constituée de propriétaires, vit donc en maison particulière, s’est éloignée de la ville souvent par choix sans obligatoirement anticiper toutes les conséquences. Si la précarité énergétique liée au logement entraine souvent des restrictions voire des privations de chauffage, la mobilité se remet plus difficilement en cause que la consommation d’énergie de l’habitat, car elle est généralement liée au travail.
Pour le lieu de résidence de ces ménages, les zones périurbaines sont généralement choisies, mais l’éloignement subi : la première couronne de l’agglomération se révélant trop chère, il faut reporter son choix sur la deuxième, plus éloignée mais plus abordable et souvent mal desservie par les transports en commun. Le budget carburant, difficile à quantifier, devient alors une dépense incompressible, car souvent il n’existe pas d’alternative réaliste à la voiture alors que la mobilité reste un besoin incontournable. A ce moment différentes causes peuvent faire basculer la situation de vulnérabilité en précarité : événement couteux imprévu, licenciement et, principal risque, les hausses actuelles et à venir du prix du pétrole.
Les conséquences en sont multiples : certaines stratégies renforcent les aléas (achat d’une voiture d’occasion, moins puissante mais moins fiable), d’autres diminuent le confort domestique ou exercent une pression sur tous les autres postes de consommation, réduisant la mobilité non contrainte, donc la vie sociale, et diminuant par là son bien-être social.
Des conséquences peuvent apparaître aussi à l’échelle urbaine : les zones périurbaines mal desservies deviennent dans le temps moins attractives, les parcs de logements se dégradent et se dévalorisent, entrainant des difficultés pour les ménages en situation de précarité à vendre à bon prix pour trouver un autre logement dans une zone bien desservie par les transports en commun, qui voit aux contraires les valeurs augmenter.
Actuellement la périurbanisation se poursuit : les logements se dispersent, les emplois restent concentrés dans les centres urbains, alors que souvent le choix du périurbain lointain reste le seul accessible en raison des prix. Dans les ménages, de plus en plus, les deux travaillent, mais subissent aussi l’instabilité de l’emploi qui rend difficile le choix d’une résidence près du lieu de travail, et les séparations qui compliquent encore les choix.
Une solution possible passerait, selon l’étude, par l’offre d’alternatives attractives en favorisant l’articulation entre la politique transport et l’urbanisme (une bonne desserte en transports en commun et une bonne accessibilité aux activités économiques). Soutenir les populations vulnérables par des diagnostics personnalisés permettant d’augmenter les ressources cognitives afin de mieux s’adapter à la situation en serait une autre. Enfin l’organisation d’une mobilité partagée (covoiturage) représenterait une piste pertinente.
Source : IDDRI