Comme dans tous les pays d’Europe, la Suède incite depuis des années ses habitants à réduire leurs quantités de déchets. Et elle recycle et réutilise au maximum ceux qui subsistent. Une politique qui ne réussit que trop bien : à force de réduire, recycler et réutiliser, le pays, aussi curieux que cela puisse paraître, manque maintenant de déchets, au point de devoir en importer de ses voisins.
En effet, alors qu’en moyenne dans les pays européens 38% des déchets finissent dans des décharges, en Suède ce taux tombe à 1%. Pour le reste, 38% se trouvent recyclés, 14% compostés et 49% incinérés (la moyenne européenne se situe à 22%). Mais leur combustion permet aujourd’hui d’assurer 20% du chauffage urbain et d’alimenter en électricité 250 000 foyers (le pays en compte 4,6 millions). Cependant, le déploiement de « centres de valorisation énergétique » (incinérateurs) de plus en plus performants pose un autre problème : les capacités d’incinération (2 millions de tonnes de détritus) deviennent supérieures aux quantités d’ordures ménagères produites localement. La Suède doit donc importer quelque 800 000 tonnes de déchets des pays voisins (majoritairement la Norvège) pour permettre à ces usines de tourner à plein régime.
Une bonne chose apparemment, si l’on en croit Catarina Ostlund, conseillère principale de l’Agence suédoise de protection de l’environnement :
Valoriser des déchets, au sein d’usines jouissant d’une importante efficacité énergétique, est un pari judicieux dans un monde où le prix de l’énergie ne cesse de grimper et alors que nous pourrions être confrontés à une pénurie de combustibles. Toutefois, il est aussi important pour la Suède de trouver des moyens de réduire sa production de déchets et d’augmenter leur recyclage. Mais à court terme, la valorisation énergétique des déchets est une bonne solution.
Une bonne solution ? Pas si sûr cependant, puisque cette incinération massive provoque aussi des émissions polluantes, qui, quoique drastiquement réduites en ce qui concerne certains gaz, peuvent à terme poser d’autres problèmes. Car, si la stricte réglementation suédoise a permis de réduire certaines de ses émissions de 90 % depuis les années 80 (chlorure d’hydrogène : 60 tonnes contre 400 ; oxyde de soufre : 196 tonnes contre 3 400 ; plomb : 51 kg contre 25 000), d’autres émissions de gaz à effet de serre ne diminuent pas dans les mêmes proportions : les oxydes d’azote par exemple (2 100 tonnes en 2007 contre 3 400 en 1985).
Or, le Centre national d’information indépendante sur les déchets, organisme indépendant français, souligne que tous les effets de ces émissions ne peuvent encore être évalués :
L’Institut national de veille sanitaire insiste sur le fait que, pour mesurer les effets des incinérateurs fonctionnant aux normes d’aujourd’hui, il faudra attendre la fin d’une période de latence de 5 à 10 ans. Les risques ne sont donc pas écartés, et le renforcement progressif des normes montre qu’il est impossible de garantir l’innocuité d’un processus comme l’incinération, dès lors qu’il implique de multiples réactions chimiques.
Sources : Le Monde, RTBF, Public Radio international