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La taxe carbone reportée aux calendes… européennes

A la veille des élections régionales, le président de la République l’avait laissé entendre, mais c’était confirmé dès le 23 mars par le Premier Ministre : on abandonne une éventuelle taxe carbone française au profit d’une tout aussi éventuelle taxe carbone européenne. Le projet de loi est donc ajourné sine die.

Un retour daté sur ce qui aurait pu être une loi s’impose, avant de constater que la taxe carbone française et une éventuelle taxe carbone européenne n’ont pas obligatoirement  le même sens et que, si la France n’est pas allée au bout de son idée, celle-ci a cependant été réalisée, et ça ne date pas d’hier, dans d’autres pays européens.

La contribution climat-énergie en quelques dates

Faisons d’abord, avec l’aide d’ un article du Figaro, un petit historique de cette taxe, fort impopulaire, dans la façon dont elle avait été présentée, autant auprès des entreprises que des particuliers, mais demandé par ceux qui espéraient qu’elle serait un levier pour le développement des énergies renouvelables.

En gestion depuis le 31 janvier 2007, date à laquelle les principaux candidats à l’élection présidentielle signe un pacte avec Nicolas Hulot, une  taxe doit être instaurée et  s’appliquer à tous les produits qui dégagent du CO2 dans l’atmosphère. Cette idée clôture d’ailleurs le Grenelle de l’Environnement, le 25 octobre 2007 : une taxe climat-énergie doit bien être créée.

En juillet 2009, un rapport d’experts, dirigé par Michel Rocard, préconise de fixer cette « contribution climat-énergie » à 32 € la tonne pour l’amener progressivement à l’horizon 2030 et de redistribuer l’argent ainsi collecté. En septembre 2009, c’est finalement à 17 € qu’elle est fixée, et elle doit entrer en action dès le premier janvier 2010.

Mais fin décembre, le Conseil Constitutionnel condamne la loi sous la forme prévue : elle prévoit en effet des exemptions pour 1018 sites industriels, considérés par les plus polluants, et crée ainsi une inégalité devant l’impôt (voir notre article du 30/12/2009). Le gouvernement doit donc la remettre en chantier et décide en février de lancer une concertation avec les industriels. Mais ce n’est que partie remise : le nouveau texte qui en découlera entrera en application le 1er juillet 2010…

La suite, on la connaît : le gouvernement décide de retirer cette loi, l’abandon en est scellé le 23 mars lors d’une déclaration du premier ministre : la taxe carbone sera européenne ou ne sera pas. La seconde solution prévaut à l’heure actuelle : au niveau européen, la mise en place d’une taxe carbone n’est absolument pas à l’ordre du jour et rien ne permet de dire qu’elle va y être inscrite.

Serge Orru, directeur général de WWF France, déclare dans son éditorial de l’Express du 23 mars :

La contribution Climat Energie que l’on a abusivement appelée taxe carbone semble s’éloigner. Si l’abandon devait être confirmé au mois de juillet, c’est la compétitivité à long terme des entreprises françaises qui en sera la première victime. En effet, la contribution Climat Energie avait pour vocation de permettre l’adaptation des entreprises françaises à la nouvelle donne énergétique et en particulier la remontée inexorable du prix des hydrocarbures. Celles et ceux qui claironnent aujourd’hui leur contentement sont en train de préparer des lendemains qui déchantent, tant pour le pouvoir d’achat des ménages qui sont dès maintenant en situation de précarité énergétique que pour la compétitivité des entreprises françaises trop dépendantes d’énergies fossiles dont le prix ne peut qu’augmenter erratiquement.

Dans un communiqué, la Fondation Nicolas Hulot réagit ainsi :

Pour la Fondation Nicolas Hulot, cette déclaration est incompréhensible, et marque une vraie rupture dans l’ambition française en matière de protection de l’environnement. Le Conseil Constitutionnel n’avait pas sanctionné la taxe carbone sur le principe, mais sur ses modalités d’application; ne remettant absolument pas en cause une fiscalité environnementale en France.

Taxe carbone à domicile ou taxe carbone aux frontières ?

Un article du Nouvel Observateur nous prévient : attention une « taxe carbone à domicile » n’a rien à voir avec une « taxe carbone aux frontières », évoquée pour l’Europe. Tout au plus sont-elles complémentaires. En effet, la taxe carbone interne visait à taxer les énergies fossiles afin de pousser les entreprises et les ménages à réduire la consommation de pétrole et à passer aux énergies renouvelables dans le but de diminuer les émissions de CO2. Les transports et le chauffage des logements étaient principalement visés.

La « taxe carbone aux frontières » – et beaucoup de pays européens s’y oppose car il s’agit d’une entrave au libre-échange – ne peut être qu’une taxe douanière : plus question de favoriser l’emploi des énergies renouvelables en Europe, mais de taxer des produits d’importation en fonction de la quantité de CO2 qu’ils ont induite. Il s’agit là en fait de taxer un « degré de saleté ». Or, la Chine a déjà prévenu qu’elle n’accepterait pas une « taxe verte » et que cela amènerait des rétorsions.

Résultat logique : certains pays européens qui ont déjà une « taxe carbone à domicile » refusent l’idée d’une « taxe carbone aux frontières. Et même si le gouvernement français la juge impossible à mettre en place sans l’Europe, certains l’ont déjà mise en application depuis des années.

Comment font les autres ?

Cette fiscalité écologique, ajournée sine die en France, existent pourtant dans d’autres pays d’Europe, notamment des pays du nord, précise l’Express. Et pour certains, ce n’est pas récent !

Ainsi la Suède l’a instauré en 1991. Fixée à 27 € la tonne, elle y est calculée en fonction de la quantité de combustibles consommés (hydrocarbures, gaz naturel ou charbon). En Finlande, c’est en 1997 qu’elle apparaît. D’un montant de 20 € la tonne, elle s’applique   au chauffage et aux transports, y compris à l’aviation de loisirs et la navigation de plaisance qui en avait d’abord été exemptés. Le Danemark l’applique aux administrations, aux entreprises et aux particuliers : elle varie en fonction du niveau d’émission de CO2 des produits taxés. Le Royaume-Uni a instauré en 2001 une taxe sur l’utilisation commerciale de l’énergie. L’Institut National de l’Environnement et des Risques (INERIS) précise qu’elle est due lorsque le fournisseur délivre l’énergie aux entreprises.

D’autres pays participant de l’Espace Economique Européen, mais pas de l’Union Européenne, l’appliquent aussi. En Norvège, elle est fixée à environ 50 € la tonne. Du coup les entreprises pétrolières se sont empressées d’investir dans les nouvelles technologies, espérant ainsi réduire leurs émissions de gaz à effet de serre. En Suisse, la taxe carbone s’applique depuis 2008 aux combustibles fossiles utilisés à des fins énergétiques. Par contre, comme nous l’avons déjà signalé dans un article précédent, les Suisses ont refusé la taxe CO2 pour les carburants.

La taxe carbone existe aussi hors des frontières de l’Europe : au Canada (la Colombie Britannique précisément) et en Nouvelle-Zélande, des systèmes similaires existent également depuis peu.

Nous espérions en décembre (notre article du 30/12/2009) que la taxe carbone « nouvelle version » évoluerait vers un système pénalisant les gros émetteurs de CO2 et récompensant ceux qui feraient des efforts. Elle aurait ainsi pu contribuer à la responsabilisation de chacun.  Le ministre de l’Ecologie a communiqué :

La fiscalité écologique reste une grande idée, absolument indispensable pour accélérer la mutation écologique et économique de notre pays. Je reste convaincu de sa nécessité. Cependant, la contribution carbone a été l’otage de débats qui ont dépassé largement le champ de l’écologie et qui ont conduit à une profonde incompréhension. Je suis, à titre personnel, déçu par toutes ces controverses et ces malentendus.

Tout cela ne relèverait-il donc que d’une grave erreur de communication et d’une très mauvaise pédagogie ?

Sources : Le Figaro, l’Express (éditorial), l’Express (actualités), l’Express (environnement), le Nouvel Observateur, les Echos, Boursier.com

Cet article a été écrit par : 

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Une réponse sur “La taxe carbone reportée aux calendes… européennes”

  1. Merci pour votre article qui donne une très bonne synthèse de l’histoire de la taxe carbone en France.

    Sans rentrer dans une polémique, j’ai le sentiment que la taxe carbone va suivre le même sort que nos retraites… Nous savons tous consciemment qu’il faudrait faire quelque chose, mais on décale l’adoption d’une loi pour que le gouvernement suivant l’assume… qui va faire de même… et ainsi de suite !
    Jusqu’au jour où nous serons au pied du mur et que nous serons obligés de faire quelque chose… avec un surcoût monstrueux !!!

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