Après « l’introduction d’entités nouvelles dans la biosphère », la cinquième limite planétaire franchie au mois de janvier de cette année, voici que l’humanité en franchit une de plus : celle du « cycle de l’eau douce ». Cette ressource est « maintenant largement perturbée par les pressions humaines aux échelles continentale et planétaire », selon les experts qui ont fait paraître leur étude dans la revue Nature.

6 des 9 limites planétaires franchies
Pour rappel, 28 scientifiques internationaux, réunis par le Stockholm Resilience Center, ont créé en 2009 la notion scientifique de « limites planétaires ». Il s’agit des limites dans lesquelles l’humanité peut continuer à se développer, sans remettre en question la résilience de l’écosystème de la Terre. Elles sont au nombre de neuf. Le concept a été repris par l’ONU.
Les cinq limites planétaires franchies précédemment portent sur le changement climatique, l’érosion de la biodiversité, la perturbation des cycles biogéochimiques de l’azote et du phosphore, le changement d’utilisation des sols et l’introduction d’entités nouvelles dans la biosphère. Jusqu’à présent l’utilisation de l’eau douce était encore en vert, ce qui désormais n’est plus le cas.
« L’eau verte » incluse dans le cycle de l’eau douce
Pour la première fois, les experts ont inclus « l’eau verte », celle disponible pour les plantes, dans le cycle de l’eau douce analysé dans cette étude. Ils distinguent en effet « l’eau bleue », c’est-à-dire la part de l’eau issue des précipitations atmosphériques qui s’écoule dans les cours d’eau jusqu’à la mer, ou qui est recueillie dans les lacs, les aquifères ou les réservoirs. Et « l’eau verte », l’eau issue des précipitations atmosphériques et qui est donc absorbée par les végétaux.

« L’eau est la circulation sanguine de la biosphère. Mais nous sommes en train de modifier profondément le cycle de l’eau. Cela affectera la santé de la planète entière et la rendra beaucoup moins résistante aux chocs », explique Lan Wang-Erlandsson, l’auteur principal de l’étude. « Cette nouvelle analyse scientifique montre comment nous, les humains, poussons l’eau verte bien au-delà de la variabilité que la Terre a connue pendant plusieurs milliers d’années au cours de la période holocène », précise Johan Rockström, professeur d’études environnementales et co-auteur de l’étude.
Un phénomène mondial
Et le phénomène est mondial : « Partout, des forêts boréales aux tropiques, des terres agricoles aux forêts, l’humidité du sol change. Les sols exceptionnellement humides et secs sont de plus en plus à l’ordre du jour », précise Arne Tobian, un autre auteur de l’étude. Le cycle de l’eau douce est bien d’ores et déjà modifié à un rythme supérieur à tout ce que nous avons connu au cours de l’ère géologique de l’Holocène, c’est-à-dire plusieurs milliers d’années.
Actuellement, le dépassement du seuil de sécurité de cycle de l’eau douce concerne principalement « l’eau verte », c’est-à-dire l’eau présente dans la terre pour les plantes et la nature. « L’eau bleue » à destination des humains, celle extraite des rivières, des lacs et des nappes phréatiques, est certes largement polluée, mais demeure provisoirement encore sous la limite.
Sources : Bon Pote, France Info