Nous évoquions récemment (voir notre article du 30/10/2011) les protestations de l’Anode (association nationale des opérateurs détaillants en énergie) sur la décision de gel des prix du gaz prise par le gouvernement, et son recours devant le Conseil d’Etat afin de faire annuler l’arrêté ministériel la précisant. Le Conseil d’Etat vient de rendre publique la décision du juge des référés. Celle-ci « suspend l’exécution de l’arrêté du 29 septembre 2011 relatif aux tarifs réglementés de vente de gaz naturel fourni à partir des réseaux publics de distribution de GDF Suez » et donne un délai d’un mois aux ministres pour se prononcer à nouveau sur ces tarifs.
L’Anode, qui regroupe plusieurs fournisseurs « alternatifs » de gaz, tels que les sociétés Altergaz, Direct Energie, Gaz de Paris et Poweo, demandait effectivement la suspension de cet arrêté en contestant le fait que celui-ci refuse d’appliquer la formule tarifaire prévue par l’arrêté du 9 décembre 2010. Le communiqué du Conseil d’Etat en rappelle le contenu :
Selon les dispositions du code de l’énergie, ces tarifs de vente du gaz naturel sont définis en fonction des caractéristiques intrinsèques des fournitures et des coûts liés à ces fournitures. Ils couvrent l’ensemble de ces coûts. Le décret du 18 décembre 2009 relatif aux tarifs réglementés de vente de gaz naturel prévoit que les tarifs réglementés de vente du gaz naturel couvrent les coûts d’approvisionnement en gaz naturel et les coûts hors approvisionnement. Il précise que, pour chaque fournisseur, une formule tarifaire traduit la totalité des coûts d’approvisionnement en gaz naturel et des coûts hors approvisionnement et permet de déterminer le coût moyen de fourniture du gaz naturel, à partir duquel sont fixés les tarifs réglementés de vente de celui-ci, en fonction des modalités de desserte des clients concernés.
Or le dernier arrêté ministériel maintenait à l’identique les tarifs applicables aux clients résidentiels et aux petits clients professionnels. Selon le juge des référés, il existe bien un doute sérieux sur la légalité de l’acte dont la suspension est demandée, ce qui lui permet d’en suspendre l’exécution. Il se base pour cela sur deux éléments :
– en premier lieu, dans son avis du 29 septembre 2011, la CRE a estimé que l’évolution des tarifs fixée par l’arrêté contesté était très insuffisante pour couvrir les coûts d’approvisionnement de GDF Suez au 1er octobre 2011. En effet, selon la CRE, l’application de la formule tarifaire prévue par l’arrêté du 9 décembre 2010 conduit en moyenne, compte tenu des hausses des coûts d’approvisionnement en gaz naturel, à une hausse des tarifs variant de 8,8 % à 10 % selon les tarifs.
– en second lieu, contrairement à ce que soutenait l’administration, aucune disposition du décret du 18 décembre 2009 ne permettait aux ministres de suspendre l’application de la formule tarifaire prévue par ce même décret.
Le juge des référés estime que le mode d’approvisionnement des membres de l’Anode repose bien entendu en partie sur les marchés à court terme actuellement favorables, mais aussi sur des contrats à moyen et long terme, « indexés selon des formules voisines de celles applicables à GDF Suez » :
Ainsi, un gel durable des tarifs réglementés de GDF Suez est de nature à créer un phénomène de « ciseau tarifaire » selon lequel les coûts complets de ces opérateurs seraient supérieurs aux tarifs réglementés de GDF Suez, affectant leurs marges et compromettant leur présence sur le marché de la distribution du gaz ainsi que l’objectif public d’ouverture de ce marché à la concurrence.
Le gouvernement a donc un mois pour fixer de nouveaux tarifs réglementés de vente du gaz naturel, en se fondant sur la formule existante, bien que celle-ci soit actuellement en cours de révision. Le cabinet du ministre a réagi à cette décision du Conseil d’Etat en indiquant :
À la suite de la décision du Conseil d’État qui suspend l’application du gel des tarifs du gaz de GDF Suez décidé par le gouvernement au 1er octobre dernier, [Éric Besson] prépare actuellement un nouvel arrêté tarifaire qui sera conforme à la décision du Conseil d’État.
Sources : Energie 2007, Le Point, planet.fr (image)