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Production d’électricité : le grand retour du gaz !

centrale gazLe pétrole, qui a atteint son pic en 2006 avec 70 millions de barils par jour, se raréfie, le nucléaire est remis en question : tout ceci entraîne un retour en force du gaz, proche, selon les déclarations récentes de l’Agence Internationale de l’Énergie (AIE), de son « âge d’or ».  Le gaz, la « plus propre des énergies fossiles », pourrait couvrir en 2035 25 % de la demande mondiale d’énergie, soit 4 points de plus qu’en 2010, et même dépasser la part du charbon dès 2030 dans le mix énergétique. L’AIE estime ses ressources abondantes, donc bon marché, grâce notamment au développement des gaz non-conventionnels (gaz de schiste notamment, dont les sénateurs français viennent justement de discuter).

Les estimations de l’AIE

L’Agence évalue la hausse attendue de la demande à 80 % entre 2010 et 2035 : elle viendra surtout des pays émergents. Lademande de la Chine, actuellement équivalente à celle de l’Allemagne, deviendrait équivalente à celle de toute l’Union Européenne, celle des pays du Moyen-Orient devrait doubler, celle de l’Inde quadrupler. L’AIE estime que la production annuelle devrait augmenter de 1 800 milliards de m3 (soit trois fois celle de la Russie) pour atteindre 5 100 milliards de m3 en 2035, et que la Chine deviendra l’un des premiers producteurs de gaz. Selon l’organisme international, les ressources, bien réparties géographiquement, devraient assurer, au rythme actuel, 75 ans de consommation.

L’AIE insiste cependant sur la nécessité « urgente » d’investir dans le gaz liquéfié, plus facile à transporter, et reconnaît (quand même) que les techniques d’extraction des gaz non-conventionnels (gaz de schiste) « posent des problèmes environnementaux ». Il faut ajouter que l’évolution du scénario développé par l’agence s’appuie sur le développement de l’exploitation des gaz non-conventionnels, dont elle estime les réserves aussi importante que celles du gaz naturel.

Mais l’utilisation des gaz non-conventionnels génèrent plus d’émissions de CO2 que celle du gaz naturel. Et si les centrales à gaz qui vont remplacer les anciennes centrales à charbon sont moins émettrices que ces dernières, il n’en est pas de même pour celles qui vont remplacer les centrales nucléaires. Et cela risque d’entraîner une catastrophe climatique : l’AIE pense qu’on parviendra à stabiliser la concentration de CO2 dans l’atmosphère aux environs de 650 parties par million, contre 393 ppm aujourd’hui (voir à ce sujet notre article du 5 juin), ce qui entrainera une hausse d’au moins 3,5°C sur le thermomètre.

Et le gaz de schiste en France ?

En France, les sénateurs (sentant le vent tourner ?) ont justement considérablement amendée la proposition de loi visant à interdire l’extraction des gaz non conventionnels par la technique de la fracturation hydraulique, la « vidant de sa substance » en grande partie au passage, puisque « l’exploitation à des fins scientifiques » est entérinée, notamment pour… « évaluer la technique de fracturation hydraulique » ! Le sénat suggère, comme le rapport provisoire du CGIET et du  CGEDD (voir notre article du 26 avril), la création d’une commission nationale de suivi pour évaluer les risques environnementaux.

Ces amendements vont dans le sens du premier ministre qui avait déclaré le 13 avril à l’Assemblée Nationale :

Je ne veux pas que nous fermions la porte à toute possibilité d’exploiter avec d’autres techniques demain ces gisements. Il n’est pas question de sacrifier notre environnement, mais il n’est pas question non plus de fermer la porte à des progrès technologiques qui permettraient demain d’accéder à de nouvelles ressources énergétiques.

En tout cas, l’Union Française des Industries pétrolières s’est bien entendu frotter les mains à l’annonce ce cette nouvelle, et affirme par la voix de son président, Jean-Louis Schilansky, que :

[Ce texte] va dans le bon sens parce qu’effectivement quand on regarde ce qui se passe en Allemagne, sortir du nucléaire cela veut dire qu’il faut trouver d’autres sources d’énergie pour produire l’électricité, le gaz en est une. C’est plus propre que le pétrole, cela émet moins de CO2 en tout les cas. Donc l’alternative du gaz de schiste devient une vraie alternative et c’est pour cela que nous disons, en vue du débat parlementaire qui a lieu « laissez-nous expérimenter, ne ratons pas cette opportunité ».

S’agissant des risques environnementaux, il estime qu’on « n’en est pas là » et que les projets pilotes permettront de « montrer, démontrer et rassurer ».

Le son est un peu différent au niveau des associations écologiques qui s’inquiètent de cette porte ouverte, dans laquelle vont s’engouffrer tous ceux qui avaient déposé des demandes de permis d’exploitation. Elles estiment quant à elles, reprenant d’ailleurs aussi les conclusions de l’AIE en matière de climat, que :

[Cette future loi] fait fi des conséquences catastrophiques de cette technique ainsi que de la crise climatique qui ne pourra que s’accentuer du fait de l’exploitation de ces nouvelles sources d’énergies fossiles.

Le mouvement écologiste CAP21 ajoute :

[Ces amendements] s’apparentent à un véritable marché de dupes. L’annonce récente de la prolongation du partenariat entre Toreador (détenteur de permis sur les huiles de schiste en Ile de France) et Hess confirme que les investisseurs n’ont pas renoncé à la conquête du sous-sol français malgré l’opposition d’une grande partie de la classe politique et des citoyens. Autoriser des forages expérimentaux, c’est laisser la porte entrouverte pour mieux revenir à la charge ensuite.

Si en France la bataille du gaz de schiste n’est pas encore terminée (on attend encore le rapport définitif du CGIET et du CGEDD, ainsi que celui commandé à Arnaud Gossement par Nathalie Kosciusko-Morizet), les tenants de cette exploitation se sont certainement trouvés confortés par les déclarations de l’Agence Internationale de l’Energie.

Sources : AFP, Le Journal de l’Environnement, Novethic

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