Un groupe international de chercheurs a mis en évidence un refroidissement de la surface des océans du Ier au XVIIIème siècle, auquel a mis fin l’ère industrielle. Le réchauffement lié aux activités humaines a interrompu cette tendance.
Ce travail de recherche, publié dans la revue Nature Geoscience, suggère que le nombre et l’intensité des éruptions volcaniques tropicales des 1000 dernières années de cette période seraient vraisemblablement la cause de ce refroidissement : « Les fortes éruptions volcaniques ont pour effet un refroidissement de l’atmosphère durant quelques années, mais nos résultats montrent que lorsqu’elles deviennent plus fréquentes, elles induisent un refroidissement à long terme de la surface des océans, » explique le Dr Helen McGregor, de l’université de Wollongong, en Australie.
Guillaume Leduc, chercheur CNRS (Centre National de Recherche Scientifique) au Centre européen de recherche et d’enseignement de géosciences de l’environnement et Marie-Alexandrine Sicre, directrice de recherche CNRS au Laboratoire d’océanographie et du climat, détaillent : « L’analyse des sédiments marins nous apprend en effet que les températures de surface de l’océan global ont régulièrement diminué entre le 1er et le début du XVIIIe siècle, une tendance qui selon les simulations du climat du dernier millénaire, serait imputable, entre 801 et 1800 années après JC, au volcanisme. Cette évolution de la température des océans sur presque deux millénaires a pris fin au début de l’ère industrielle, supplantée par le réchauffement global lié aux activités humaines. »
Une période nommée « Petit Age de Glace » , particulièrement froide sur les continents, située entre le XVème et le XVIIIème siècle, coïncide avec la diminution des températures de la surface des océans, suggérant son caractère global. Ces résultats mettent de plus en évidence la manière dont l’océan agit comme mémoire du système climatique : « Il est important de comprendre comment l’océan module les variations naturelles induites par le volcanisme car il peut absorber ou relâcher des quantités de chaleur extraordinaire par rapport à l’atmosphère. Grâce à ce travail, nous avons désormais une vision rétrospective des changements à l’échelle des derniers siècles, avant les perturbations majeures induites par les émissions de gaz à effet de serre dues aux activités humaines » ajoute le Dr Helen McGregor.
Pour mettre à jour les causes de cette diminution des températures océanes, les chercheurs ont eu recours à la modélisation : « Nous avons examiné l’impact des changements de la position de la terre par rapport au soleil, de l’irradiance solaire, de l’utilisation des sols, du volcanisme et des gaz à effet de serre sur les températures de surface. Seul le forçage volcanique a été en mesure de produire de manière convaincante le refroidissement observé dans les données » précise Hugues Goosse, professeur à l’université de Louvain (Belgique).
La synthèse et l’analyse de ces reconstructions nécessitant la collaboration de nombreux scientifiques se sont faites dans le cadre du programme international « Past Global Changes-Ocean 2k » (PAGES) auquel participe le CNRS, et coordonné par Michael Evans, professeur associé à l’université du Maryland (USA). Celui-ci conclut : « Une grande partie de l’énergie accumulée dans le système climatique suite au réchauffement global est absorbée par les océans. L’augmentation récente des températures de surface préfigure le réchauffement additionnel à venir, de la même manière que le refroidissement était la réponse à long terme aux épisodes volcaniques plus intenses et fréquents. Nous avons encore beaucoup à apprendre sur la manière dont l’océan réagit aux variations climatiques. La poursuite des recherches croisant les données et la modélisation du climat passé devrait nous permettre d’améliorer nos connaissances. »
Source : CNRS