Une réaction chimique inédite mise au point par des chercheurs de l’ESPCI (École supérieure de physique et de chimie industrielles) Paris et du CNRS (Centre national de la recherche scientifique) ouvre la voie au recyclage des matériaux plastiques de tous les jours sans tri sélectif. Le procédé permettrait de transformer les différents plastiques en matériaux de haute performance, plus solides que ceux à partir desquels ils sont fabriqués.
Cette réaction chimique a permis aux hercheurs d’assembler les macromolécules du plastique en un réseau dynamique, un vitrimère, en utilisant la chaîne de production traditionnelle. Ces vitrimères, grâce à leur combinaison de propriétés, pourraient révolutionner le monde des plastiques. En effet, de plus en plus de secteurs (éoliennes, automobiles, canalisations, robotique ou électronique portable par exemple) demandent des matériaux plus légers, plus résistants mais aussi moins chers et réutilisables, alors que les plastiques utilisés jusqu’ici souffrent de leurs limites et ne peuvent satisfaire toutes ces exigences.
Les vitrimères ont en fait été inventés il y a déjà quelques années par l’équipe de Ludwik Leibler : il s’agit d’une nouvelle classe de matériaux organiques recyclables, combinant de façon exceptionnelle résistance mécanique, thermique et chimique, et ce concept a inspiré des scientifiques du monde entier pour inventer des matériaux et composites fonctionnels, cristaux liquides ou à mémoire de forme.
Mais deux questions se posaient encore pour qu’ils puissent devenir le plastique du futur : « Peut-on produire les vitrimères avec les mêmes ingrédients que les plastiques actuels ? Peut-on les mettre en œuvre avec les outils industriels existants et les mêmes cadences de production ? » Ce sont ces défis que relève l’équipe de Ludwik Leibler et de Renaud Nicolay du Laboratoire Matière Molle et Chimie (ESPCI et CNRS). Ils ont en effet découvert une réaction de métathèse qui permet l’échange d’atomes entre les molécules sans rompre les liens chimiques existants : il devient alors possible de transformer en vitrimère tout polymère ayant un squelette carboné (75 % des plastiques).
Autre avantage économique et écologique bien réel : cette réaction ne nécessite pas de catalyseur. La composition et les conditions de mise en œuvre sont ensuite simplement ajustées pour utiliser les méthodes de transformation traditionnelles des plastiques. Les vitrimères obtenus à partir de polystyrènes, acrylates, ou polyéthylènes, présentent une meilleure résistance mécanique et thermique que les produits de départ, sans compromettre la capacité de réparation, de soudage et de recyclage.
Avantage supplémentaire : ils résistent par ailleurs beaucoup mieux aux craquelures et ruptures de pièces (attribuées pour près d’un quart au contact avec un liquide). Ils pourraient donc constituer une excellente alternative pour des revêtements protecteurs, canalisations, colles, cuves de robots électroménagers, vitres organiques, dispositifs médicaux et pièces automobiles proches du moteur.
Une adhésion très forte entre vitrimères fabriqués à partir de plastiques complètement incompatibles peut être obtenue grâce à la réaction de métathèse, ce qui ouvre d’autres perspectives et permet de passer l’étape du tri sélectif des plastiques, nécessaire aujourd’hui.
Source : ESPCI