Le Fonds Monétaire International (FMI) s’est allié avec les biologistes de la Great Whale Conservancy, pour arriver à un constat surprenant. Il faut protéger les baleines, pas seulement au nom de la biodiversité, mais aussi à celui du climat. Elles contribuent de manière importante au stockage de carbone dans les océans. Et les chercheurs ont ainsi quantifié la valeur économique de la baleine…
Biodiversité et argent
Les baleines font l’objet de nombreuses études, mais ce qui les intéressent ici, c’est particulièrement leur rôle dans la réduction du taux de dioxyde de carbone (CO2) dans les océans. Or la protection de la baleine est souvent considérée comme une sorte d’œuvre caritative que les gouvernement font au nom de la protection de la nature.
Mais si, comme le FMI le fait, en plus du maintien de la biodiversité, on parle argent, les décideurs seront sans doute prêts à ouvrir l’oreille. Ses chercheurs ont donc collaboré avec les biologistes pour quantifier la valeur économique de la baleine, en prenant en compte le CO2 qu’elle emmagasine tout au long de sa vie. Et il existe aussi celui qu’elle participe à capter. Cela leur permet de conclure qu’une « stratégie de protection des baleines peut limiter les gaz à effet de serre et le réchauffement » de la planète.
La séquestration du CO2 par les baleines
En effet, les baleines aident à la séquestration du carbone de différentes façons. Se nourrissant de phytoplancton et de krill, qui absorbent le CO2 de l’atmosphère, elles stockent le carbone dans leur corps riche en graisse et en protéines, en en accumulant ainsi des tonnes. Quand elles meurent, les carcasses coulent au fond de la mer. Et le processus de décomposition peut durer des siècles : le CO2 reste donc piéger au fond de l’océan.
De plus, les excréments des baleines contiennent d’importantes quantités de fer, de phosphore et d’azote. Dispersés sur des milliers de kilomètres, en fonction de leurs déplacements, ils flottent et participent directement à la croissance du phytoplancton, en agissant comme fertilisant. Il a en effet besoin de ces nutriments pour se développer et absorber le CO2. Une partie du plancton non-consommé finit aussi par couler, entraînant avec lui le CO2 qu’il contient.
Les baleines seraient ainsi à l’origine de la capture de 1,7 milliard de tonnes de dioxyde de carbone : plus que les émissions annuelles d’un pays comme le Brésil. Et le plancton végétal absorbe environ 37 milliards de tonnes métriques de CO2 chaque année. « Pour mettre les choses en perspective, nous estimons que cela est l’équivalent de la quantité de CO2 capturé par 1700 milliards d’arbres », soit « l’équivalent de quatre forêts amazoniennes », calcule le FMI.
Une valeur économique
Ainsi, estime le FMI, « la valeur des fonctions assurées par les baleines au sein du système océanique/terrestre (…) devrait être intégrée dans l’évaluation du coût lié à leur protection ». Et des baleines en bonne santé et plus abondantes permettraient de capturer toujours plus de carbone et de lutter contre le réchauffement climatique. En rétablissant le nombre de baleines existant avant la chasse commerciale, soit 4 à 5 millions au lieu de 1,3 aujourd’hui, « cela pourrait ajouter une quantité [considérable] de phytoplancton dans les océans, et donc de carbone capté chaque année ». « Même une augmentation de 1 % de la productivité de phytoplancton permettrait de capturer des centaines de millions de tonnes de CO2 chaque année, soit l’équivalent de l’apparition soudaine de deux milliards d’arbres matures. »
Les chercheurs attribuent ainsi une valeur monétaire à chaque cétacé : « Notre estimation conservatrice évalue que chaque baleine vaut plus de deux millions de dollars, et donc plus de 1000 milliards de dollars pour l’ensemble des populations actuelles de grandes baleines ». L’analyse ajoute « Sachant que le rôle des baleines est irremplaçable dans l’atténuation et la lutte contre les changements climatiques, leur survie devrait être intégrée dans les objectifs des 195 États qui ont signé l’Accord de Paris en 2015 ».
Sources : Sciences et Avenir, Le Devoir