L’Union Européenne s’est donné comme objectif à l’horizon 2020 l’introduction d’une part de 10 % d’énergies renouvelables dans les transports, et dans ce cadre, les biocarburants vont être largement sollicités. Mais les biocarburants sont-ils vraiment garants d’une diminution des émissions de gaz à effet de serre ? Et comment concilier les quantités de ressources nécessaires à l’alimentation et celles demandées par la filière industrielle ? Et comment s’assurer de la réelle durabilité des matières premières ? Pendant que la Commission Européenne commence d’ores et déjà à agréer des organismes de certification, les ONG l’accusent de « mettre la charrue avant les bœufs ».
L’agrément de la Commission Européenne
La Commission Européenne veut obtenir des garanties sur les économies de gaz à effet de serre des biocarburants par rapport aux carburants fossiles et sur leur durabilité, afin d’éviter la conversion massive de zones fragiles ou de grande biodiversité en aires de production de matières premières pour la fabrication d’agrocarburants. Ces critères devront être contrôlés soit directement par les états membres, soit dans le cadre de mécanismes volontaires, par des organismes agréés pour 5 ans. Sept d’entre eux viennent d’ailleurs de recevoir cet agrément (ISCC, Bonsucro EU, RTRS EU RED, RSB EU RED, 2BSvs, RSBA et Greenergy) et Günther Oettinger s’en félicite :
Nous devons nous assurer que la totalité de la production de biocarburants et de la chaîne d’approvisionnement correspondante sont durables. C’est pourquoi nous avons fixé les normes de durabilité les plus exigeantes du monde. Les mécanismes reconnus aujourd’hui à l’échelon de l’UE constituent un bon exemple d’un système fiable et transparent qui assure le respect de ces normes strictes.
Les critères de durabilité concernent aussi bien les biocarburants issus de productions locales ou importées. Les organismes seront chargés de vérifier les terres que les industriels veulent utiliser (qui ne doivent être ni des forêts, ni des zones humides ou protégées), de contrôler la production qui doit permettre de diminuer de 35 % au minimum les émissions de CO2 ( puis de 50 % en 2017 et 60 ù en 2018) et de surveiller toute la chaîne de production de la plante à la pompe.
Les constatations des ONG
Mais en ce qui concerne les émissions de gaz à effet de serre, les ONG ne sont pas d’accord avec les méthodes de calcul de la Commission : en effet, cette dernière ne prend pas en compte le changement d’affectation des sols, fortement émetteur de CO2, qu’il soit direct (utilisation de prairies par exemple pour la production de matières premières) ou indirect (si les biocarburants remplacent des cultures alimentaires, celles-ci vont s’installer ailleurs, sur des surfaces actuellement couvertes de forêts par exemple).
Ce ne sont d’ailleurs pas les seules critiques que suscitent les biocarburants aux ONG. De récentes études de Greenpeace montrent que le bilan carbone de certains agrocarburants peut se révéler bien pire que celui des carburants fossiles. L’organisation a en effet prélevés et analysés 92 échantillons provenant des pompes à essence de 9 pays européens et en est arrivé à la conclusion que le biodiesel actuel émet plus de CO2 que son concurrent diesel classique. Ainsi, le biodiesel contient 30 % de matières premières en provenance des pays tropicaux et certains sont presque exclusivement produits à partir d’huiles de palme, de soja ou de colza. Et le lien a été établi depuis longtemps entre la déforestation et les cultures massives de palme, de colza et de soja.
Une dernière interrogation à propos de la décision d’agrément de la Commission Européenne inquiète les ONG : elle concerne l’indépendance des organismes certifiés, dont le commissaire européen à l’énergie, Günther Oettinger, a expliqué qu’ils seraient financés par les planteurs… Jean-Claude Brévillard, vice-président de FNE (France Nature Environnement), conclut :
Comment peut-on certifier des filières d’agrocarburants durables, alors que les règles du jeu ne sont pas encore stabilisées ? Une fois de plus, on met la charrue avant les bœufs et on fonce tête baissée sans se préoccuper des conséquences alimentaires, environnementales et sanitaires des agrocarburants !
Sources : Enerzine (articles du 22/7 et du 25/7), Futura Environnement, Actualités News Environnement, Ecologie.tv
Une réponse sur “Les biocarburants, certifiables pour la Commission Européenne, critiquables pour les ONG”
Excellent article