Consultés le dimanche 12 et le lundi 13 juin sur un possible retour au nucléaire, les Italiens ont clairement exprimé leur refus, avec quelques 95 % de non. Déjà en 1987, lors d’un premier referendum sur ce sujet, le refus avait été net et l’Italie avait fermé ses quatre centrales nucléaires.
Il faut dire que les gouvernements italiens favorables au nucléaire jouent de malchance : ces deux referendums se sont situés aux pires moments. Le premier arrivait quelques mois après l’accident de Tchernobyl, et le second, prévu depuis plusieurs mois, suit de près Fukushima. Pour ce dernier vote d’ailleurs, la campagne n’avait rien de très passionnée jusqu’au mois de mars, même si aucune région n’avait accepté d’accueillir une nouvelle centrale nucléaire. Le tsunami japonais a changé la donne et balayé le nouveau programme nucléaire que le gouvernement italien voulait faire passer : un EPR livré par EDF dès 2015, pour mise en service en 2020, puis trois autres à la suite.
Certains commentateurs évoquent trois raisons pour expliquer ce refus : le danger de la technologie, mis en évidence par Fukushima, en est bien entendu la plus directe, mais aussi la sismicité italienne agitée et la crainte de l’infiltration de la criminalité organisée dans la filière, entrainant éventuellement des conséquences sur les normes de sécurité, notamment en matière de construction.
Le gouvernement italien va ainsi devoir revoir tout son programme d’approvisionnement énergétique pour les années à venir, puisqu’il prévoyait 25 % de production électrique nucléaire pour 2030. La plus grande partie de l’énergie italienne provient actuellement des sources fossiles : gaz, pétrole et charbon. Les énergies renouvelables n’assurent à présent qu’un peu plus de 22 % des besoins du pays, dont l’hydroélectricité représentait à elle seule 14,9 % en 2010 (soit plus des deux tiers). Le pays devait faire appel à l’importation (notamment de France et de Suisse) pour assurer son approvisionnement en électricité pour une part de 13 %.
Selon certains observateurs italiens, augmenter massivement la production grâce aux énergies renouvelables sera difficile et très coûteux. L’hydroélectricité n’a qu’une très faible marge de croissance, l’Italie manque de vent et les possibilités offshore sont limitées par la profondeur de la mer. Le solaire, encore peu développé (il ne représentait que 0,5 % l’année dernière) demande des subventions importantes afin de pouvoir prendre son essor : il pourrait dans ce cas atteindre 8 à 10 % de la production électrique d’ici 2020. Ils estiment que la part des sources nouvelles pourrait alors s’accroitre jusqu’à représenter 30 % de l’énergie consommée. Pour le reste, il va falloir de plus en plus faire appel au gaz (dont les fournisseurs, en ce qui concerne l’Italie, sont principalement la Russie, l’Algérie et la Lybie, ce dernier pays devenant très instable) encore une fois, augmentant la dépendance énergétique de l’Italie.
EDF perd du coup un marché important. Et comme ni l’Espagne, ni la Suède ne comptent ouvrir de nouvelles centrales nucléaires, ni le Portugal, ni l’Autriche, ni l’Irlande, ni le Danemark ne sont clients, ni l’Allemagne, ni la Suisse ne reviendront sur leur décision de sortie du nucléaire, le marché européen se restreint de plus en plus.
Le président du conseil italien a été, quant à lui, le plus bousculé par les réponses aux quatre questions posées lors de ce referendum. En dehors de celle du nucléaire que nous venons de voir, deux autres concernaient l’eau. Or, contre son avis, 96 % des électeurs ont estimé que le prix de l’eau devait prendre en compte sa qualité et son service, et tout autant ont refusé la privatisation de certains services publics, comme l’eau justement. La dernière question, politique puisqu’elle concernait l’abrogation éventuelle de la loi « d’empêchement légitime », qui le protégeait des comparutions en justice, ne lui a pas plus réussi : les Italiens ont approuvé à 95 % cette abrogation.
Sources : Le Nouvel Observateur, Euroactiv, Le Parisien, Le Point (image)