En marge du forum économique de Davos, les ONG La Déclaration de Berne (DB) et Pro Natura, remplacée maintenant par Greenpeace, organisent depuis 2000 un contre-sommet critique de ce rendez-vous annuel. Ils décernent à cette occasion des prix aux entreprises les plus irresponsables de l’année précédente :
Nous établissons chaque année en janvier une shortlist des entreprises les plus irresponsables de l’année afin de les dénoncer ouvertement, en prévision du World Economic Forum de Davos. Elles sont choisies pour leurs mauvaises conditions de travail, pour leurs atteintes à l’environnement, pour leurs manque de transparence ou parce qu’elles n’assument pas leurs responsabilités sociales d’entreprise. De cette manière les entreprises choisies ressentent le poids de la société civile. La renommée de nos «prix de la honte» permet de mettre en lumière les comportements irresponsables de ces entreprises au niveau international.
En 2010, les entreprises affichées sur le « Mur de la Honte » avaient pour nom Roche, le groupe suisse, pour ses essais pharmaceutiques en Chine, et la Bank Royal of Canada, pour le financement de l’extraction de pétrole des sables bitumineux. Cette année comme les autres, dans la liste de nominés, le Global Award a été décerné par un jury indépendant, tandis que le People’s Award était choisi par les votes des internautes du monde entier.
Le Prix du Public revient cette année à Neste Oil, compagnie pétrolière finlandaise qui produit en masse un agrocarburant à partir d’huile de palme, entrainant d’importantes déforestations :
D’ici deux ans, la compagnie pétrolière finlandaise Neste Oil devrait devenir le plus gros acheteur d’huile de palme et le principal producteur d’agrocarburants au monde. A l’heure actuelle, elle vend déjà dans toute l’Europe le «Neste Green Diesel». Une appellation trompeuse, s’agissant d’un diesel à base d’huile de palme. En même temps que Neste Oil augmente sa capacité de production à Rotterdam et à Singapour, son principal fournisseur – IOI – a doublé la surface de ses plantations d’huile de palme.
La demande croissante en huile de palme entraîne toujours plus d’expropriations de terrains et de destruction de forêt tropicale en Indonésie et en Malaisie. IOI vient de perdre un procès en cours depuis douze ans sur une affaire d’expropriation en Malaisie, où des cas de corruption sont également évoqués. Au final, le bilan CO2 du carburant de Neste Oil est effarant. Il est même plus élevé que celui du diesel classique !
Neste Oil remporte son prix avec plus de 17 000 votes, d’une courte tête devant BP, qui malgré une des plus grande catastrophe pétrolière de l’histoire, l’année dernière dans le golfe du Mexique, « continue d’investir dans l’exploitation de pétrole à hauts risques » et vient de se lancer dans l’exploitation des sables bitumineux du Canada. La troisième marche du podium est occupée par Philip Morris, pour avoir « porté plainte auprès d’une instance de la Banque Mondiale contre l’Uruguay et sa politique de prévention du tabagisme, tentant ainsi d’imposer sa volonté contre la politique de santé de ce pays d’Amérique Latine ».
Le groupe minier sud-africain, AngloGold Ashanti rafle sans conteste le prix du jury d’experts pour sa contamination « des sols et des personnes dans le cadre de l’exploitation de ses mines d’or au Ghana » :
L’entreprise minière sud-africaine AngloGold Ashanti empoisonne la terre et les habitants du Ghana dans le cadre de ses activités d’extraction de l’or. La production de 30kg d’or entraîne quotidiennement l’extraction, le broyage et le traitement au cyanide de près de 6000 tonnes de roches. Les déchets miniers hautement toxiques qui en résultent sont stockés dans des lacs et polluent les fleuves et les sources d’eau potable ainsi que tous ceux qui en dépendent. Là ou se trouvaient autrefois des terres arables, la terre agricole n’est dorénavant plus exploitable. De plus, le personnel de sécurité des mines s’est rendu coupable de torture et d’avoir lâché les chiens sur des personnes « suspectes », entraînant plusieurs décès.
Même si les conséquences environnementales et sociales de l’activité minière de l’entreprise ont été largement documentées par les autorités ainsi que par des ONG et par AngloGold elle-même, la situation s’est aggravée ces dernières années. La promesse en faveur d’une exploitation plus respectueuse des personnes et de l’environnement, faite en 2004 par la compagnie sud-africaine, est malheureusement restée lettre morte.
Rappelons que l’entreprise française Areva, qui défraie actuellement la chronique verte à cause d’un spot publicitaire très discutable, mettant l’énergie nucléaire sur le même plan que l’éolien ou le solaire, avait été « primée » lors de l’édition 2008 de ce contre-sommet de Davos, et reste dès lors affichée sur son « Mur de la Honte ».
Sources : Public Eye, Le Journal de l’Environnement