A l’occasion de la session annuelle de de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC) qui prépare la COP23 à Bonn, des scientifiques font part de leurs inquiétudes concernant le taux de méthane dans l’atmosphère, deuxième gaz à effet de serre après le CO2, dont l’augmentation rapide est attestée.
Dans un article publié en avril par la revue Atmospheric Chemistry and Physics, un comité de 72 chercheurs évoque cette croissance rapide de la concentration de méthane (CH4), gaz au pouvoir réchauffant 28 fois supérieur à celui du dioxyde de carbone. Ce document fait suite à un premier article, paru en décembre 2016, qui dressait l’inventaire mondial du méthane de 2000 à 2012. Le deuxième souligne le rôle toujours plus important de ce gaz dans le changement climatique.
De 2000 à 2007, la concentration atmosphérique du CH4 s’est accrue de 5 parties par milliard (ppb) par an. En 2014, ce chiffre est brutalement passé à 12,7 ppb, avant de redescendre à 9,45 en 2016, selon l’agence américaine des océans et de l’atmosphère (NOAA). « Au cours des années 2014 et 2015, la concentration de méthane (CH4) a augmenté à une vitesse inégalée depuis les années 1980 » explique Marielle Saunois, du Laboratoire des sciences du climat et de l’environnement (LSCE) et coordinatrice de l’inventaire mondial du méthane. « La concentration de méthane dans l’atmosphère est actuellement plus de 2,5 fois plus importante qu’en 1750, avec 1.842 ppb (parties par milliards) en 2016. »
Ces chiffres inquiètent d’autant plus qu’ils démontrent que la planète suit actuellement le pire scénario envisagé par les travaux du GIEC (Groupement intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat), qui prévoit une augmentation de la température de l’ordre de 3,3° C à 5,5° C d’ici la fin du siècle. La COP23, organisée à Bonn (Allemagne) par les Îles Fidji – un pays particulièrement exposé aux conséquences du changement climatique – aura lieu en novembre. Or dans la CCNUCC qui la prépare actuellement, les négociations oublient pratiquement de prendre en compte le rôle du méthane.
Il est vrai que les émissions de méthane se révèlent particulièrement délicates à mesurer et même à localiser : il en existe de très nombreuses sources, ainsi que très nombreux puits de stockage. Elles proviennent de la dégradation de la matière organique dans un milieu sans oxygène, et il s’agit là d’un phénomène naturel : « Le méthane provient en partie de processus microbiens, diffus et donc difficiles à estimer » souligne Marielle Saunois.
Selon une étude du Global Carbon Project, 34 % ces émissions proviendraient de l’agriculture et de la gestion des déchets, 36 % seraient naturelles (zones humides, lacs, océans et pergélisol). « L’autre source de méthane est lié à des fuites lors du dégazage naturel des sols et lors de l’usage de combustibles fossiles » poursuit la chercheuse du LSCE. L’exploitation des combustibles fossiles, dont le gaz de schiste, serait à l’origine de 19 % de ces émissions. Entre 2002 et 2012, les données recueillies montrent une augmentation continue des sources anthropogéniques et localisent particulièrement les émissions dans les zones tropicales de l’Amérique du Sud et de l’Asie du Sud et de l’Est entre 2008 et 2012.
Les scientifiques ne connaissent pas encore exactement les causes de cette brusque croissance, mais l’agriculture et les déchets font partie d’une des hypothèses les plus importantes et une politique les ciblant aurait donc des conséquences positives : « Des actions auraient un effet rapide car le méthane ne reste pas longtemps dans l’atmosphère, il a une durée de demi-vie de 10 ans environ » conclut Marielle Saunois.
Source : Reporterre