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Les aides publiques nuisent à la biodiversité

Rapport sur la biodiversitéMissionné en 2010 par le ministère de l’Ecologie, le groupe de travail du Centre d’Analyse Stratégique (CAS – institution d’expertise et d’aide à la décision auprès du Premier Ministre) vient de rendre son rapport Les aides publiques dommageables à la biodiversité. Et le constat est inquiétant, même s’il s’accompagne de 80 recommandations, qui peuvent ouvrir de très nombreuses pistes de réforme.

La mission du groupe de travail du CAS

La Commission Européenne, dans une communication de septembre 2011, demande que soient supprimées d’ici 2020  « les subventions dommageables à l’environnement en tenant compte des incidences sur les personnes les plus démunies » , ce qui correspond à un engagement national du Grenelle de l’Environnement. La tâche était ardue et les obstacles nombreux, dont l’accès aux données qui représentait la première difficulté à laquelle s’est heurté le groupe de travail mis en place, réunissant des experts de la biodiversité, des économistes, des représentants des secteurs professionnels, des syndicats, des associations de protection de l’environnement et de l’administration. Son objectif :

  • « dresser une liste exhaustive des subventions et autres aides d’origine non fiscale ayant un impact sur l’environnement ;
  • d’analyser pour chacune de ces mesures, de façon qualitative et lorsque cela est possible quantitative, les dommages éventuels causés à la biodiversité ;
  • de proposer des pistes d’évolution et de réforme de ces subventions afin de réduire, voire d’annuler, l’impact dommageable sur l’environnement ».

En septembre 2010, le champ de la saisine a été simultanément étendu aux dépenses fiscales et recentré sur la biodiversité.

L’importance de la biodiversité pour l’homme

L’avant-propos rappelle toute l’importance de la biodiversité et sa nécessité de la préserver, au-delà des seules espèces que l’on estime en voie de disparition. La France possède une grande diversité d’écosystèmes en métropole, mais aussi dans les territoires d’outre-mer puisque ces derniers regroupent plus de 3450 plantes et 380 vertébrés endémiques (localisés dans une aire restreinte), soit plus que toute l’Europe continentale. Protéger la variété des espèces est une nécessité –  elle représente le patrimoine génétique de la terre  – en raison de la richesse de leur interaction (pollinisation, prédation, symbiose) et parce qu’elles apportent à l’homme de nombreux bénéfices : nourriture, combustible, matériaux de construction, purification de l’eau, stabilisation et modération du climat, régulation des inondations, des sécheresses et des épidémies. Or cette biodiversité décline de manière accélérée depuis quelques dizaines d’années : il s’agit là d’un constat mondial souvent rappelé dans les diverses institutions internationales.

L’homme est bien sûr le premier responsable de cette dégradation rapide de la biodiversité, mais il en est aussi la première victime en raison de la dégradation des habitats par l’artificialisation croissante des sols, la fragmentation des habitats, la surexploitation des richesses naturelles, les pollutions variées, l’introduction d’espèces envahissantes et le changement climatique.

Les subventions dommageables

Le rapport distingue plusieurs sortes d’aides publiques dommageables : celles qui favorisent la destruction et la dégradation des espaces naturels, celles qui favorisent la surexploitation des ressources naturelles renouvelables, celles qui favorisent la pollution et celles qui favorisent l’introduction et la dissémination des espèces envahissantes.

En ce qui concerne la destruction et la dégradation des espaces naturels, le rapport relève trois sortes d’aides publiques qui peuvent contribuer à trois formes de destruction des habitats jugées préoccupantes en France : « l’artificialisation, la semi-artificialisation et la fragmentation » .

L’artificialisation est une tendance lourde (21 000 km² depuis 1990), principalement du fait de zones urbaines discontinues et des zones industrielles et commerciales, au détriment des terres agricoles. Un ensemble d’aides publiques contribue à l’étalement urbain et l’éloignement des zones d’activité en influençant les choix individuels ou certains déterminants politiques sur les activités économiques.

Les aides à la construction et à l’achat de logements neufs, souvent situés loin des centres et demandant la création d’infrastructures de transports en font partie, alors que, le rapport le note, la réhabilitation de l’habitat ancien ne  consomme pas d’espace.

La semi-artificialisation  correspond à une simplification des paysages et à une intensification des usages des habitats.

Des aides publiques [peuvent] favoriser, sous certaines conditions, des pratiques qui réduisent les fonctions naturelles des habitats agricoles, notamment par des incitations à l’intensification ou au maintien de cultures intensives (aides influant sur le prix des facteurs de production) et à la simplification des paysages (aides déterminant le maintien ou non d’éléments semi-naturels tels que haies, bosquets, mares, et le choix des cultures). Concernant les habitats forestiers, la perspective du développement du bois énergie ou de biocarburants de seconde génération pourrait, à terme, augmenter la part des habitats forestiers semi-artificiels.

La fragmentation des habitats diminue la surface d’habitat disponible et augmente l’isolement des fragments (réduction de la connexion entre les populations).

Elle est souvent liée à la mise en place d’une infrastructure linéaire de transport, pour les habitats terrestres, ou d’un barrage, pour les rivières. Certaines aides contribuent à cette fragmentation, en particulier les financements publics pour les réseaux de transport routiers, ferroviaires et fluviaux ou la sous-tarification de leur usage. En outre, il existe plusieurs formes de redevance pour service rendu ou pour utilisation du domaine public qui ne prennent pas suffisamment en compte les coûts sur la biodiversité.

La surexploitation de trois ressources naturelles renouvelables est jugée préoccupante : les sols, les ressources halieutiques et l’eau. Or certaines aides publiques la favorisent nettement. En ce qui concerne les sols, ce sont :

celles qui contribuent à des changements d’occupation des sols (retournement des prairies pour cultures annuelles, imperméabilisation des surfaces agricoles) et celles qui contribuent à l’intensification ou au maintien de pratiques intensives qui diminuent la teneur en carbone des sols (mesures indirectes encourageant la production, la mécanisation, l’usage d’intrants)

Aides publiques a la pêche en 2008Les aides qui « contribuent à aggraver la surexploitation de la mer » , donc des ressources halieutiques, s’adressent aux pêcheurs, mais le rapport juge aussi leur effet néfaste, bien qu’elles soient nécessaires à leur survie :

En particulier, la pêche professionnelle, exposée à la stagnation des prises et à la concurrence de flottilles européennes, est confrontée à des fluctuations importantes de ses revenus orientés à la baisse et bénéficie de plusieurs aides dont la plus importante est l’exonération de taxe intérieure de consommation (TIC) sur les carburants pétroliers.

Mais la pêche récréative, si elle ne bénéficie pas de subventions publiques, participe aussi à la surexploitation et des mesures de suivi, de contrôle et d’information pourraient aussi se révéler utiles, souligne le rapport.

Certaines aides publiques viendraient aussi aggraver la surexploitation de la ressource en eau pour ses différents usages et ainsi affecter la biodiversité de certains hydrosystèmes, et le rapport relève par exemple :

  • les usages domestiques font l’objet d’une tarification incitant les opérateurs privés qui desservent 80 % de la population à favoriser la consommation ;
  • les usages industriels sont significativement en baisse mais certains usages sont exonérés de la redevance de prélèvement ;
  • la redevance de prélèvement perçue par les agences de l’eau est peu différenciée spatialement ;
  • la mobilisation de la ressource pour la production d’énergie bénéficie de plusieurs subventions ou dépenses fiscales ;
  • les usages agricoles bénéficient également de taux de taxes non incitatifs ou non internalisants qui aboutissent, malgré la baisse des surfaces irriguées depuis 2003, au maintien des volumes consommés.

L’étude cite d’ailleurs le Conseil économique, social et environnemental qui souligne que la plupart des acteurs de l’eau, en France, « tiennent pour acquis le “confort” hydrique de l’Hexagone » .

Les aides publiques qui favorisent la pollution concernent l’air, l’eau et le sol. On y retrouve, en ce qui concerne l’air, « des dispositions ou taxes insuffisamment internalisantes, voire peu incitatives dans les domaines de l’utilisation d’énergie fossile et de biomasse, de l’industrie et du transport » ;  pour le sol, les multiples exonérations dont fait l’objet « la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) sur les déchets ménagers et assimilés et les déchets industriels spéciaux, qui a été conçue dans une perspective de financement » , et qui n’est pas incitative ; pour l’eau, « la pollution des eaux semble clairement sous-tarifée » .

Quant à l’introduction et la dissémination des espèces envahissantes, le rapport relève peu de subventions favorisant directement les invasions biologiques mais plutôt une inaction des pouvoirs publics, cela concerne des espèces qui ont ainsi été introduites, accidentellement ou intentionnellement, dans des zones éloignées de leur habitat d’origine.

De nombreuses recommandations

Fort de toutes ces constatations, le groupe de travail ne peut que lister toute une série de propositions, ou plutôt de recommandations :

Compte tenu de l’étendue et de la complexité de la mission, le rapport distingue des orientations générales, qui définissent des objectifs à moyen terme, et des propositions, qui portent davantage sur des suggestions de réformes concrètes à plus court terme. La mission du groupe était d’identifier les subventions nuisibles à la biodiversité et d’avancer des pistes de réforme, mais pas d’identifier des situations privilégiées dans un but d’économie budgétaire. Aussi, l’ensemble des orientations et des propositions doit-il s’entendre a priori comme ne modifiant pas le volume des aides dont tel secteur ou type d’activité bénéficie, mais s’efforçant de faire disparaître ou d’amenuiser les incitations délétères.

Le groupe de travail précise qu’il a souhaité formuler deux types de recommandations :

D’une part, des orientations générales qui correspondent aux « pistes d’évolution » demandées mais qui pour certaines nécessitent un travail d’approfondissement et de concertation. D’autre part, des propositions plus précises et concrètes qui reflètent d’ores et déjà une position unanime, au-delà du devoir de réserve propre aux administrations représentées dans le groupe, et dont beaucoup semblent pouvoir être mises en œuvre rapidement.

Source : Centre d’analyse stratégique

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