L’annonce en a été faite par Valérie Létard, actuelle secrétaire d’état auprès du ministre de l’écologie et elle-même assistante des services sociaux de formation, au forum consacré au « développement durable, créateur de lien social » : une mesure de formation des travailleurs sociaux aux éco-gestes va être mise en œuvre. Cette action entre dans le cadre du Pacte de solidarité écologique, lancé au début de l’année afin de lutter contre la précarité énergétique des ménages les plus démunis.
La proposition du MEEDEM
Partant du constat que 3,4 millions de Français consacrent plus de 10 % de leurs revenus à leur facture énergétique, la secrétaire d’état estime que ces professionnels, relais essentiels de l’action sociale de proximité, pourront ainsi contribuer à sensibiliser les ménages concernés par la précarité énergétique et aider les 300 000 ménages les plus démunis à obtenir l’aide de solidarité écologique, mise en place par le gouvernement, dans le cadre du Plan national contre la précarité énergétique. Il s’agit là de subventions permettant aux propriétaires occupants de revenus modestes de financer les travaux d’isolation thermique, nécessaires pour une meilleure performance énergétique de leur logement.
30 000 travailleurs sociaux de la fonction publique territoriale se verront ainsi proposer cette formation dans les premiers mois de l’année 2011. Elle aura une durée de deux à trois jours et sera dispensée par l’ADEME, qui doit prochainement signer une convention avec le Centre National de la Fonction Publique Territoriale (CNFPT).
Les réactions des professionnels
La mesure, si elle a été accueillie favorablement quant à son principe, laisse toutefois certains sceptiques. Ainsi le délégué général à la Fondation Abbé Pierre, Patrick Doutreligne, aurait préféré que l’état oblige les propriétaires bailleurs à rénover les logements trop énergivores :
Si c’est pour dire « dites-moi ce qui vous manque, je vous apprendrai à vous en passer », cela ne va pas. (…) Le vrai problème, c’est comment lutter contre les passoires thermiques qui sont habitées dans leur grande majorité par les personnes aux revenus les plus modestes.
Même son de cloche du côté des syndicats : ainsi le secrétaire général de FO fonction publique territoriale, Didier Rosez, doute lui aussi de l’efficacité de cette mesure :
Parler d’économie d’énergie à celui qui peine à boucler son budget, ce n’est pas gagné. Evoquer la précarité énergétique, ce n’est pas vraiment le cœur de métier des travailleurs sociaux, surtout avec la crise.
Le secrétaire général de la CGT fonction publique, Baptiste Talbot, renchérit :
Le gouvernement cherche plutôt à restreindre les moyens des collectivités territoriales. Si la mesure peut être intéressante pour les familles, ce n’est pas en supprimant des postes, comme cela se fait, qu’on la mettra en pratique.
Une expérience menée dans l’Allier en 2006 et 2007
En 2006 et 2007, une expérience de ce type avait été menée dans l’Allier, à l’initiative du Conseil Général et de EDF-GDF. Le Fonds Solidarité Logement (FSL) du département souhaitait, pour aider plus efficacement les familles les plus démunies, prendre en compte l’intégralité des difficultés du logement et vérifier si les problèmes rencontrés provenaient du bâti ou du comportement énergétique des occupants.
A l’occasion, les assistants des services sociaux du département avaient été sensibilisés, grâce à une première version du jeu T’es au courant (dont une toute nouvelle version vient de sortir, comme l’annonçait notre article du 18 juillet), formation ludique qui ne leur permettait pas de relayer tous les conseils mais qui les encourageait à travailler en amont pour repérer les familles en grande précarité et leur faire rencontrer, par l’intermédiaire du Conseil Général, une conseillère en énergie spécialement formée au travail avec les publics en grande difficulté. Celle-ci pouvait alors déterminer, grâce à une visite à domicile, d’où provenaient les difficultés.
Si les problèmes provenaient en partie ou totalement du comportement énergétique de la famille, celle-ci pouvait engager une démarche d’accompagnement du ménage, avec sensibilisation par le jeu T’es au courant, conseils personnalisés et suivi des consommations grâce à un partenariat avec Edelia (filiale d’EDF qui fournit des appareils permettant de collecter au jour le jour les consommations d’électricité et qui analyse celles-ci).
L’expérience menée dans l’Allier avait prouvé que le comportement des familles sensibilisées se modifiait considérablement et que les économies générées par l’accompagnement se situaient en moyenne à 15 % des consommations d’électricité annuelles.
Cette expérience a donc permis de mettre l’accent sur un certain nombre d’éléments : une sensibilisation ludique a un premier impact intéressant sur les familles, mais son efficacité grandit lorsqu’elle s’intègre dans une démarche plus globale. C’est cette démarche innovante complète qui est aujourd’hui arrivée à maturité et développée sur le site T’es au courant.
Les travailleurs sociaux accomplissent de multiples tâches, et s’ils seraient parfaitement aptes à relayer ces éco-gestes, n’en ont ni le temps, ni les moyens : de moins en moins nombreux, de plus en plus sollicités par des familles en détresse, il semble difficile de leur demander de consacrer en plus le temps nécessaire à l’examen complet des causes de la précarité énergétique des ménages qu’ils rencontrent. S’ils permettent déjà aux propriétaires occupants les plus modestes d’obtenir l’aide à la solidarité écologique, mieux vaut laisser le soin à d’autres structures, associatives ou autres, de mettre en œuvre un suivi plus complet qui permettra de modifier durablement, quand c’est nécessaire, les comportements énergétiques.
Alors, ne faudrait-il pas plutôt créer un nouveau métier : coach en maîtrise de l’énergie ? Nous y croyons.
Sources : Le Monde, Vedura, MEEDEM, T’es au courant ?, Développement Durable (image)