Décidément, les temps sont durs pour Total et sa production de biocarburants, tout du moins celle à partir de l’huile de palme. Le 10 octobre, le Conseil Constitutionnel a débouté sa demande de ne pas exclure cette source des biocarburants donnant droit à un avantage fiscal. Et voilà que le 15 novembre, les députés confirment l’arrêt de cet avantage fiscal dont elle bénéficiait encore pour le 1er janvier prochain.
L’huile de palme au Conseil Constitutionnel
Dans son rapport Climat 2019 (en date du 8 novembre), le groupe pétrolier affirme : « Total soutient les politiques, initiatives et technologies visant à promouvoir le développement des énergies renouvelables. Total soutient d’autre part le développement des biocarburants durables ». L’entreprise a cependant déposé un recours au Conseil Constitutionnel contre la décision des députés de décembre 2018. Ils ont en effet voté l’exclusion de l’huile de palme de la liste des biocarburants, lui faisant perdre ainsi l’avantage fiscal qui y était attaché. L’Assemblée laissait un délai d’un an aux entreprises qui l’utilisent avant son entrée en vigueur.
Le Conseil Constitutionnel a rejeté la demande du groupe. En effet, selon lui, il appartient bien au législateur de déterminer les règles de l’avantage fiscal. De plus, par cette la taxe, les députés ont entendu lutter contre les émissions de gaz à effet de serre dans le monde. « À ce titre, [le législateur] a cherché à réduire tant les émissions directes, notamment issues des carburants d’origine fossile, que les émissions indirectes, causées par la substitution de cultures agricoles destinées à produire des biocarburants à celles destinées à l’alimentation, conduisant à la mise en culture, à des fins alimentaires, de terres non agricoles riches en carbone, telles que les forêts ou les tourbières », précise-t-il.
Pour lui, donc, « en excluant pour le calcul de la taxe toute possibilité de démontrer que l’huile de palme pourrait être produite dans des conditions permettant d’éviter le risque de hausse indirecte des émissions de gaz à effet de serre, le législateur a, en l’état des connaissances et des conditions mondiales d’exploitation de l’huile de palme, retenu des critères objectifs et rationnels en fonction du but poursuivi (…) ».
Un avantage supprimé le 1er janvier
Entretemps, un amendement a été déposé à l’Assemblée, visant à repousser à 2026 la fin de cet avantage fiscal, ce qui aurait permis à Total d’en bénéficier encore quelques années de plus. Cet amendement bénéficiait d’un avis favorable du gouvernement. En fait cette décision avait été approuvée la veille sans débat.
Mais la Commission des finances a demandé un débat sur cette disposition. Et là, les députés ont voté contre. Ils confirment donc la fin de l’avantage fiscal lié à l’huile de palme au 1er janvier prochain. Or cet avantage fiscal bénéficiait avant tout à Total, principalement pour sa raffinerie de La Mède pour qui il était évalué entre 70 et 80 millions d’euros. L’énergéticien avait en effet prévu d’importer 300 000 tonnes d’huile de palme chaque année pour produire du biocarburant.
Les réactions des associations pour l’environnement
Les associations se réjouissent bien entendu de ces décisions. L’association Canopée Forêts vivantes parle d’« une immense victoire de la démocratie contre le lobbying éhonté de Total ». Quant à Greenpeace France, c’est le soutien du gouvernement à cette mesure qu’elle dénonce : « Le soutien du Gouvernement est un non-sens, un aveu de l’influence de Total sur le plus haut niveau de l’État, et nous prouve que les discours sur l’urgence climatique ne sont, aux yeux du Gouvernement, qu’un exercice rhétorique destiné à redorer son image ».
Quant à fédération européenne d’ONGs Transport & Environnement, elle confirme, par la voix de Laura Buffet, sa directrice énergie, « L’utilisation d’huile de palme dans les carburants n’est pas soutenable et ne doit donc pas être soutenue. Nous appelons maintenant les autres pays européens à suivre l’exemple de la France : les automobilistes ne doivent pas être forcés de payer pour un carburant présenté comme écologique alors qu’il contribue, en réalité, à la destruction des forêts tropicales et la biodiversité qu’elles abritent ».
Sources : Conseil Constitutionnel, Actu-environnement, Canopée Forêts vivantes