
L’industrie textile émet à elle seule entre 4 et 8% des émissions de gaz à effet de serre de la planète. Entre l’énergie demandée pour la production de la fibre et la fabrication des vêtements (et souvent fossile puisqu’il sont majoritairement fabriqués en Asie), le transport et le déchet qu’il représente souvent précocement, bien des étapes conduisent à des émissions excessives. La seule façon de les réduire consiste à réduire aussi ces gigantesques productions de vêtements : c’est une entreprise qui vend des vêtements durables qui le dit ! Il s’agit de Loom, une boutique de vêtements masculins durables en ligne.
Des engagements insuffisants de la mode
L’entreprise s’attache dans un article très documenté de son blog, La mode à l’envers, à montrer « pourquoi la dimension énergétique est essentielle dans la réduction de l’impact environnemental du secteur textile, et en quoi les stratégies actuelles de marques de mode sont complètement insuffisantes ». L’article s’intitule Du charbon dans le coton – Pourquoi la mode doit réduire sa production.
Ainsi, lors du dernier G7, de grandes entreprises textiles mondiales se sont rassemblées, sous le nom de Fashion Pact. Elles ont pris une série d’engagements pour limiter leurs émissions de CO2. Mais ces engagements reposent sur deux formes d’action : choisir des matières éco-responsables (lyocell, coton recyclé, lin, polyester recyclé…) émettant moins de gaz à effet de serre, et se tourner vers les énergies renouvelables et utiliser des lampes LED dans leurs magasins pour diminuer les émissions liées à leur fonctionnement interne. Le but est de diviser par 3 les émissions de gaz à effet de serre.
Mais ces actions auront des conséquences très marginales sur les émissions de l’industrie textile. Le plus gros d’entre elles ne dépendant ni des matériaux utilisés, ni de l’éclairage des boutiques. En fait l’essentiel des émissions du textile provient des machines qui transforment la matière première en vêtements, de la fibre aux vêtement. Il y en a beaucoup qui interviennent. De grosses machines fortement énergivores. Et situées le plus souvent en Asie, où l’électricité est majoritairement produite à partir d’énergies fossiles.
Plusieurs options pour l’industrie textile
Pour limiter drastiquement les émissions de gaz à effet de serre, plusieurs options s’offrent à l’industrie textile. Tout d’abord, faire tourner les machines avec des énergies renouvelables. Etant donné la vitesse à laquelle elles se développent et leur intermittence, ça ne suffira pas pour diviser par 3 les émissions. Un point d’optimisme cependant : leur coût a tellement baissé qu’elles peuvent concurrencer les énergie fossiles.
La deuxième option est de construire des machines plus efficaces, consommant beaucoup moins d’énergie. Il existe des pistes prometteuses, notamment au niveau des machines servant à teinter. Mais pour les autres, c’est considérablement plus compliqué. « Pour diviser par 3 les émissions des machines en 30 ans, il faudrait augmenter leur rendement énergétique de 300%… », précise Loom, ce qui a peu de chances d’arriver (par exemple, l’efficacité énergétique des moteurs de voiture n’a augmenté que de 16 % en 30 ans). Et l’industrie textile ne peut pas changer tout le parc de machines existant d’un coup.

Une vraie solution : diminuer le volume de consommation de vêtements
Mais tout cela, c’est sans compter sur l’effet rebond : améliorer les rendements des machines fait baisser les prix des produits et incite les gens à en acheter plus. Les exemples sont innombrables. Alors la vraie solution ? « Diviser le volume de consommation de vêtements par 3 ! ». Or c’est le contraire qui se produit actuellement. Le volume des ventes de l’industrie textile a quasiment doublé en 30 ans en France… et ce ne sont pas les marques qui s’en plaignent !
« En s’affichant comme “vertes” alors qu’elles ne travaillent que sur des choses secondaires, les marques endorment l’éco-anxiété des clients pour continuer à les faire acheter, voire les faire acheter plus», précise l’article. Dans la communication des marques, les arguments écoresponsables sont des « alibis » pour encourager les gens à acheter plus. Et le recyclage ne concerne actuellement que 1 % de nos vêtements et la vente d’occasion 6 %.
D’autres solutions sont de plus envisageables : et d’abord un travail de la part des marques elles-mêmes. Cela tient en trois points : améliorer la qualité des vêtements ; relocaliser la production ; et surtout arrêter de pousser à la consommation. L’autre levier d’action est entre les mains du gouvernement : changer la loi, et orienter la loi anti-gaspillage vers une économie circulaire de la filière textile. Là aussi, la société Loom propose quelques pistes (barrières commerciales sur les vêtements fabriqués dans de mauvaises conditions humaines et/ou environnementales ; une taxe d’écocontribution sur les vêtements, la pénalisation du greenwashing…).
Source : La mode à l’envers