Les pesticides néonicotinoïdes ont fait l’objet d’une longue controverse. Ils seront désormais interdits en France à compter du 1er septembre. Cette interdiction vise à protéger les abeilles. Elle reste cependant dénoncée par les agriculteurs, qui disent manquer d’alternatives. Mais certains usages vétérinaires demeurent autorisés.
Un ensemble de produits neurotoxiques
Constitués d’une ensemble de sept insecticides neurotoxiques, les produits néonicotinoïdes, disponibles depuis les années 90, vont devoir être remplacés par d’autres produits dans l’agriculture, alors qu’ils faisaient partie des pesticides les plus utilisés. Parfois répandus par pulvérisation, ils servent surtout à enrober les semences en tant que traitement préventif. La substance, dite « systémique », est absorbée par le plante et se propage à tous les tissus, jusqu’au pollen.
Et c’est bien là que le bât blesse. Car s’ils débarrassent d’un certain nombre de nuisibles (chenilles, cochenilles, insectes mangeurs de bois…), ils tuent aussi les abeilles. Les scientifiques s’en inquiètent depuis le début des années 2000, car ces substances s’attaquent au système nerveux des insectes pollinisateurs. Les apiculteurs ont constaté une hausse de mortalité des abeilles depuis leur mise sur le marché.
Pour la culture en plein champ, l’utilisation de trois de ces substances fait déjà l’objet de restrictions en Europe, depuis 2013. Mais la France va plus loin. La loi biodiversité 2016 interdit au 1er septembre l’utilisation de cinq d’entre eux, avec toutefois des dérogations au cas par cas, jusqu’au 1er juillet 2020 pour certains produits. Ils devraient n’être délivrés que dans « de faibles volumes », précise le ministère de l’environnement. La loi alimentation, adoptée en première lecture mais qui reste à adopter définitivement, prévoit l’extension de l’interdiction aux substances chimiques ayant des modes d’action identiques.
Des dérogations mais aussi des autorisations
Les néonicotinoïdes servent cependant toujours à débarrasser chats et chiens de leurs puces. Et cet usage vétérinaire reste autorisé. Ces antiparasitaires constituent une cinquantaine de produits vétérinaires. Ils se retrouvent également dans près de 300 produits biocides (gel contre les blattes, appâts contre les fourmis, stickers contre les mouches, pulvérisation contre les termites).
Ces produits ne sont donc pas concernés par l’interdiction portant sur les néonicotinoïdes. En raison des faibles quantités mises en œuvre, personne ne semble douter de leur innocuité pour les abeilles. Certains s’interrogent cependant sur leur impact sur l’homme. « Exposer de manière chronique des personnes, notamment des jeunes enfants ou des femmes enceintes, à des produits neurotoxiques ne peut pas être une bonne nouvelle pour le cerveau humain« , commente François Veillerette, président de l’ONG Générations Futures, mais il reconnaît ne pas disposer d' »arguments scientifiques suffisants pour obtenir une interdiction« .
Un rapport de l’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail) assure que les données disponibles « ne mettent pas en évidence d’effet nocif pour la santé humaine, dans le respect des conditions d’emplois fixées dans les autorisations de mise sur le marché« .
Des alternatives aux néonicotinoïdes ?
Du côté des agriculteurs, l’inquiétude face à cette interdiction est vive : ils réclament plus de temps pour trouver des produits alternatifs. Pour les planteurs de betteraves entre autres, « les néonicotinoïdes, c’est la solution la plus propre qui existe à ce jour« .
Cependant, selon un rapport récent de l’Anses, il existe des alternatives « suffisamment efficaces, et opérationnelles« , chimiques ou non chimiques, pour la grande majorité des 130 usages phytosanitaires des néonicotinoïdes. Elle plaide aussi pour une « lutte intégrée« , tout en reconnaissant que « l’impact sur l’activité agricole de l’interdiction des néonicotinoïdes est difficile à anticiper« . Elle prône pour les remplacer l’utilisation d’un insecticide foliaire, le Karaté K, jugé cependant par les planteurs de betterave comme une alternative peu efficace. Des recherches sont en cours pour la mise au point d’autres insecticides, mais ils ne sont pas encore homologués.
En revanche, pour les apiculteurs, il s’agit d’une « bonne nouvelle« , mais qui ne résoudra pas tous les problèmes des abeilles : « c’est une bonne mesure, si elle s’accompagne d’une identification des alternatives pour les agriculteurs. Vu leur toxicité, on imagine que leur interdiction va améliorer les choses. Mais il faudrait avoir un moyen de surveiller la santé des abeilles de façon fiable, pour savoir si, lorsqu’on va enlever les néonicotinoïdes, ça va améliorer les choses« , explique l’écotoxicologue Axel Decourtye, directeur scientifique et technique de l’Institut de l’abeille. « Afficher qu’il s’agit aujourd’hui de la première cause de mortalité des abeilles ne repose sur aucun élément scientifique rigoureux. Les causes sont multiples donc il ne faut pas considérer qu’on va résoudre tous les problèmes en faisant ça, qu’on va sauver toutes les abeilles en faisant ça. Il y a d’autres combats à mener de front. »