Une équipe d’experts de différentes universités constate, dans un rapport publié dans la revue The Lancet, que l’obésité, la sous-alimentation et le climat sont des phénomènes qui interagissent et se nourrissent les uns des autres. Devant ces menaces, l’étude met en cause les multinationales agro-alimentaires.
Une syndémie mondiale
Cette étude fait suite à une précédente, publiée il y a quelques semaines dans la même revue, et consacrée au lien entre alimentation et environnement. Ces premiers travaux préconisaient la division par deux de la consommation mondiale de viande et de sucre et le doublement de celle des fruits et légumes et des noix.
Les chercheurs emploient le terme « syndémie » mondiale pour décrire les interactions de ces trois phénomènes. Ce terme caractérise normalement un entrelacement de problèmes de santé qui se renforcent mutuellement. Car l’obésité, la sous-alimentation et le climat ont des « moteurs communs » selon les experts : « de puissants intérêts commerciaux, une réponse politique insuffisante et un manque de mobilisation de la société civile« . Selon eux, les solutions doivent aussi être communes.
« Le système alimentaire est non seulement responsable des pandémies d’obésité et de dénutrition, mais génère aussi 25 à 30 % des émissions de gaz à effet de serre« , notamment par l’élevage du bétail, expliquent les experts. D’un autre côté, les déforestations massives, dues en grande partie à notre système de production alimentaire, entraînent des phénomènes de sécheresse, accompagnés de dénutrition et de sous-alimentation auxquels s’ajoutent les émissions de gaz à effet de serre.
De plus, « nos systèmes de transport dominés par la voiture favorisent un mode de vie sédentaire, tout en générant de 14% à 25% des émissions de gaz à effet de serre. »
La sous-alimentation touche 815 millions de personnes à travers le monde. Pendant ce temps, selon l’OMS, 1,9 milliard d’adultes dans le monde sont en surpoids, dont 650 millions sont obèses, ce qui est un facteur de risque pour le diabète, les maladies cardio-vasculaires et le cancer.
Selon le rapport, donc, tout est lié : le système de production alimentaire, basé sur des « multinationales de la nourriture et de la boisson, focalisées sur les profits« , les politiques agricoles, les modes de transport et l’urbanisation sont les maillons d’une même chaîne qui menace l’humanité et la planète.
« Sous-alimentation et obésité vont sans doute être considérablement aggravées par le changement climatique » : les phénomènes climatiques extrêmes risquent de faire monter les prix des fruits et légumes. Ceci entraînerait une augmentation de la consommation industrielle.
Des menaces à traiter comme le tabac
Face à ces menaces, les experts prônent donc une réponse globale. Celle-ci doit combiner politique de santé publique, politiques budgétaires et fiscales (taxes pour faire baisser la consommation de viande, financement de mode de production durable). Les multinationales agro-alimentaires, désignées dans le rapport sous le nom de « Big Food« , doivent être encadrées de la même manière que celles du tabac.
Les experts proposent la création d’une « Convention-cadre sur les systèmes alimentaires« , calquée sur la Convention-cadre pour la lutte contre le tabac. Elle vise à réduire la consommation, mais aussi à lutter contre le lobbying de cette industrie pour limiter son influence sur les politiques publiques. « En 2016-17, le secteur des boissons sucrées aux Etats-Unis a dépensé 50 millions de dollars en lobbying pour contrer des mesures destinées à diminuer la consommation de soda« , selon le rapport.
« La nourriture est évidemment différente du tabac, puisqu’elle est indispensable à la vie, mais ce n’est pas le cas des aliments mauvais pour la santé« , fait valoir l’un des auteurs, le professeur William H. Dietz. « Les points communs (entre l’industrie de la malbouffe et celle du tabac) sont les dégâts qu’elles provoquent et le comportement des entreprises qui en tirent profit« .
Sources : AFP, Consoglobe