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Où l’on reparle des compteurs Linky…

En quelques jours, deux publications viennent rappeler à notre bon souvenir les compteurs Linky et nous permettre de continuer le feuilleton entamé l’année dernière. D’une part, l’ADEME vient de publier la note de positionnement : Le compteur Linky, analyse des bénéfices pour l’environnement. D’autre part, Michèle Bellon, présidente d’ERDF, vient de faire le point avec Le Figaro, sur le déploiement de ces fameux compteurs. Le gouvernement devrait en effet décider au cours de ce premier semestre 2011 de la généralisation des compteurs Linky, après l’expérimentation des 300 000 compteurs déployés à Lyon et dans la région de Tours.

Le compteur Linky suivi par un système BaroWatt

L’avis de l’ADEME sur les bénéfices apportés par Linky

Après avoir rappelé que Linky est un compteur communiquant « capable de stocker et véhiculer de l’information vers l’amont (gestionnaire de réseaux, fournisseurs, etc.) ou l’aval (clients, prestataires de services énergétiques, etc.) », l’ADEME relève les bénéfices de différentes natures qu’il peut apporter : interventions et relevés sans déplacements ; informations permettant aux fournisseurs de proposer des offres tarifaires « innovantes » ; facilitation de l’exploitation du réseau par la connaissance des consommations en temps réel et évolution vers les réseaux électriques intelligents ; informations plus riches et plus fréquentes pour le client final sur sa consommation et/ou sa production d’électricité.

L’ADEME envisage les bénéfices potentiels pour l’environnement avec des émissions de CO2 évitées par la possibilité de piloter certains usages (décalage ou effacement des appels) permettant de lisser les pointes et d’éviter le recours aux centrales thermiques, grandes émettrices de carbone. Le compteur permettra, à condition d’évoluer cependant, une meilleure intégration des énergies renouvelables par le développement de la production décentralisée et la facilitation de la gestion du réseau.

Le rapport souligne d’autre part les gains d’énergie pour le gestionnaire de réseau, grâce à une connaissance en temps réel de la consommation et la possibilité de mieux identifier les lieux de pertes, techniques ou non (environ 21 TWh/an sur 345 TWh acheminés), et de mettre en place des actions pour les réduire. Il note cependant une augmentation de la consommation des nouveaux compteurs par rapport aux compteurs électromécaniques actuels, à laquelle il faut ajouter la consommation des centres de données (énergivores, on le sait) et éventuellement la consommation des « smart box » pour la mise en œuvre des systèmes électriques intelligents : ceci rend difficile d’évaluer le rapport entre les consommations induites et les bénéfices escomptés actuellement.

Les informations recueillies par ces nouveaux compteurs permettraient d’autre part aux fournisseurs d’élaborer de nouvelles offres commerciales et de services aux particuliers pour mieux gérer leur consommation et réaliser des économies d’énergie. Mais il est encore difficile d’en mesurer l’impact sur la consommation globale.

Et les bénéfices pour les consommateurs ?

L’avis de l’ADEME porte de plus sur les bénéfices en économies d’énergie pour le consommateur, et donne pour cela les résultats de différentes études réalisées dans divers pays :

Une information en temps réel, directement transmise au consommateur, plus riche et plus fréquente sur la consommation, pourrait en effet assurer un rôle de sensibilisation et inciter le consommateur à mieux maîtriser ses usages.

Un rapport britannique datant de 2006, qui a compilé plusieurs retours d’expérience (USA, Canada, Scandinavie, Pays-Bas et Royaume Uni) montre que l’affichage en temps réel des consommations peut générer une économie d’électricité de 5% à 15 %.

(voir aussi notre article L’affichage de la consommation permet-il des économies d’énergie ?)

Mais une étude réalisée par l’ADEME et le Conseil Mondial de l’Energie en 2010 sur des expérimentations différentes donne des résultats entre 4,5 % et 11 % : 4,6 % en cas d’envoi régulier des relevés, jusqu’à 11 % dans le cas d’un affichage de l’information dans le logement. D’autre part, une étude réalisée par Landis+Gyr (un des fabricants sélectionnés par ERDF) montre que la persistance des économies d’énergie varie avec le temps : en Australie, l’affichage a donné une diminution de 10 % de la consommation sur les deux premiers mois, puis de 5 % sur les 4 mois suivants, et au bout de 6 mois un retour à la situation de départ. Et en France  ?

Peu d’études ont été menées en France sur la corrélation entre l’information du consommateur sur ses consommations et son comportement. Le bénéfice réel d’une information des consommations dans le contexte français, en fonction du mode de communication de l’information, pourrait être validé par le biais d’expérimentations.

Or en France, 17 millions de compteurs  sont situés hors du logement, rendant ainsi la lecture en temps réel peu aisée. Cela demande donc d’envisager des solutions. Internet ? encore faut-il que le consommateur se rende sur le site pour suivre sa consommation, et l’ADEME souligne le risque d’un niveau de consultation faible et moins efficace donc qu’un afficheur ou une alerte par SMS.

Mais la mise en place d’un afficheur déporté à l’intérieur du logement demanderait un investissement de 50 € par foyer, soit 850 millions d’euros en cas de généralisation. Et il ne sera pas accepté à moins d’être systématique et gratuit.

Dans le cadre des expérimentations menées en France, il semble donc indispensable de tester diverses solutions permettant d’informer le consommateur de façon directe, rapide et simple, afin d’évaluer leurs effets. Ce retour d’expérience prendra du temps (au moins une année complète d’expérimentation) et dépendra de la capacité des différents acteurs à se mobiliser rapidement.

En conclusion, si l’ADEME voit certains bénéfices à l’installation de ces compteurs, elle reste mesurée en ce qui concerne ceux apportés aux particuliers :

Si le compteur Linky, tel qu’il est actuellement conçu, apporte des bénéfices en termes de comptage et de gestion du réseau électrique voire de diminution du contenu CO2 du kWh électrique, ses bénéfices pour le consommateur en termes de maîtrise de la demande restent encore théoriques. Divers retours d’expériences étrangères montrent que le compteur communicant peut être un instrument efficace s’il est intégré dans une politique globale d’économies d’énergie incluant différentes mesures incitatives pour le consommateur (mesures tarifaires, outils de communication…).

L’ADEME recommande que tous les consommateurs puissent avoir accès directement et gratuitement sans démarche active de leur part à des informations minimales sur leur consommation leur permettant de mieux maîtriser leurs usages sans avoir à passer par des services ou des prestations payants supplémentaires. Les informations les plus adaptées et leur mode de communication devraient être validées dans le cadre d’expérimentations. En particulier, cela doit permettre de valider l’intérêt que ces informations soient fournies en temps réel.

L’opinion de Michèle Bellon, présidente d’ERDF

Michèle Bellon estime, quant à elle le retour d’expérimentation  positif et souligne qu’ERDF est prêt à généraliser le compteur, c’est à dire à remplacer les quelques 35 millions de compteurs actuels par les nouveaux :

L’expérimentation qui se termine est réussie(…). Près de 300 000 compteurs ont été posés dans l’agglomération lyonnaise et en Indre-et-Loire. (…) Nous n’avons enregistré que 0,7 % de réclamations alors qu’il s’agit d’une opération pilote, avec par définition des imperfections. Ce compteur est une véritable révolution technologique qui apportera beaucoup de bénéfices au client.

Mais elle rappelle qu’une fois la décision du gouvernement prise, aura lieu un appel d’offres européen et que les premières commandes ne seront pas passées avant 9 ou 10 mois. Elle insiste d’autre part sur les avantages immédiats que les clients apprécieront :

Les avantages sont nombreux pour le consommateur. Le client connaîtra sa facture exacte tous les mois, et non sur une estimation, ce qui lui permettra de suivre au plus près l’évolution de sa consommation. Ce compteur permettra aussi de réaliser de nombreuses interventions à distance qui ne nécessiteront plus la présence du client, les délais d’intervention seront ramenés de 5 jours à moins de 24 heures et, en cas de panne, le diagnostic sera facilité et permettra une réalimentation en électricité plus rapide des clients.

Elle insiste d’autre part sur le fait que ces installations n’alourdiront pas la facture des consommateurs :

L’intégralité de la facture est à la charge d’ERDF. Ce nouvel outil va nous permettre de réaliser un certain nombre d’économies, notamment sur les déplacements liés aux interventions de nos techniciens, soit une moyenne de 35 millions de kilomètres par an. Nous réaliserons aussi des économies sur ce que nous appelons les «pertes», qu’elles soient techniques ou non techniques, comme les erreurs de réglage et la fraude, notamment. Aujourd’hui, nous rachetons sur le marché pour près de 1,8 milliard d’euros d’électricité distribuée mais non facturée.

Elle n’évoque cependant pas  les économies d’énergie qui pourraient en découler pour le consommateur, indirectement seulement, par la possibilité qu’il offre, grâce à un emplacement réservé dessus pour un module radio qui permettrait l’installation d’un afficheur à l’intérieur du logement, ni bien entendu la possible gratuité d’un tel équipement.

Sources : Les compteurs Linky, analyse des bénéfices pour l’environnement (note de positionnement téléchargeable sur le site de l’ADEME), Le Figaro

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