Le 12 janvier 2010, l’arrêté tarifaire du MEEDEM fixe les nouveaux tarifs et les conditions de rachat de l’électricité photovoltaïque. Devant l’émoi provoqué par la baisse annoncée des tarifs de rachat et les nouvelles conditions, le MEEDEM a déjà dû revoir plusieurs fois sa copie et publié différents communiqués. Le point aujourd’hui.
Les principes
Lorsqu’un particulier ou un professionnel injectent de l’électricité, dans le cas présent grâce à des installations photovoltaïques, sur le réseau, le fournisseur la rachète à un tarif fixé par la loi. EDF et les entreprises locales de distribution sont soumises à cette obligation. Depuis 2006, ce tarif était en métropole de 0,60 € le kWh pour presque tout le monde et tout allait plus ou moins bien dans le meilleur des mondes. Mais dans le but louable d’éviter un développement anarchique des centrales au sol (comme en Espagne où elles se sont multipliées en quelques années) et des spéculations dans ce domaine, le ministère a voulu fixer de nouvelles conditions.
Du coup, tout le monde n’est plus logé à la même enseigne : les particuliers (à condition qu’ils n’aient pas un toit en terrasse), ainsi que les secteurs de la santé et de l’enseignement, sont les moins pénalisés avec un tarif de 0,58 €, et les bureaux (0,50 €) mais pour les autres installations (dont les bâtiments industriels et commerciaux et les hangars agricoles) le kWh devient beaucoup moins intéressant et peut même descendre jusqu’à 0,314 € selon la situation de l’implantation. Ajoutons à cela l’annonce d’une réduction des tarifs d’achat de 10 % chaque année à partir du 1er janvier 2012 (revalorisée selon l’inflation) et une rétroactivité sous-entendue aux contrats de rachat déposés à EDF après novembre 2009, et voici réunies toutes les conditions d’une fronde.
Ce texte institue à la fois de multiples conditions et de multiples tarifs (pour le détail, consulter la note technique très complète établie par Photovoltaïque.info) et, selon Les EnR : « Le non-initié perd son latin et les tarifs leur logique industrielle ».
Un petit historique
En fait, les épisodes commencent en fin d’année 2009. Déjà en septembre, un premier projet du ministère crée un nouveau tarif intermédiaire de 0,45€ le kWh (pour les installations semi-intégrées à la toiture). L’objectif était d’empêcher la création de hangars vides, uniquement destinés à la production d’électricité photovoltaïque (le tarif de 0,60 € était alors applicable). Fin décembre, le ministère reste sur la même ligne, mais intègre désormais la notion de bâtiments d’habitation ou à usage de bureaux. Le 12 janvier, c’est la présentation des nouveaux tarifs, corrigés dans les jours suivants avec l’intégration d’un 4ème tarif, rendant encore plus complexe le principe de rachat.
La Confédération Rurale (citée par le Midi Libre) s’est lancée dans la bataille :
La CR, dont de nombreux adhérents ont cru en l’engagement de l’État pour favoriser les énergies renouvelables, est scandalisée par le revirement soudain de la politique menée en faveur de la production d’électricité photovoltaïque (…) et demande donc que les anciens tarifs seront appliqués à tous ceux qui ont fait une demande complète de raccordement avant le 14 janvier 2010 .
Le 9 février, le MEEDEM renonce à présenter au Conseil Supérieur de l’Energie le projet d’arrêté qui visait à annuler une partie des projets solaires présentés sur la fin de l’année 2009.
Mais l’impatience monte et, Arnaud Mine, président du syndicat des énergies renouvelables (cité dans Batiactu), déclare le 12 février :
Nous avions établi des propositions pour préciser les termes du projet d’arrêté qui devait être présenté hier matin de façon à aboutir à un texte acceptable pour la filière et en phase avec les préoccupations du Gouvernement. Le maintien de l’incertitude met indûment en difficulté les entreprises qui ont notamment des opérations en cours de réalisation. Il est désormais urgent que cet arrêté soit publié dans les meilleurs délais.
Le 17 février, le ministère publie un nouveau communiqué, précisant les bénéficiaires des tarifs fixés en 2006. Il prévoit
de traiter de manière différenciée les projets abusifs ou spéculatifs et les projets de taille raisonnable menés de bonne foi, notamment dans le secteur agricole.
Les modifications du nouvel arrêté
Le nouvel arrêté devrait donc prévoir que pourront bénéficier des anciens tarifs :
- les installations pour lesquelles une demande de contrat d’achat a été déposée avant le 01/11/2009 ;
- les installations de puissance inférieure à 36 kWc* (kiloWatt crête), soit 360 m² de panneaux, dont la demande a été déposée avant le 11/01/2010 ;
- les installations entre 36 et 250 kWc (2 500 m² de panneaux) avec demande de contrat d’achat complète et demande de raccordement déposées avant le 11/01/2010 ;
- les installations entre 36 et 250 kWc avec demande de contrat d’achat complète, sous réserve de remplir certaines conditions.
Selon Batiactu, les réactions sont mitigées. En effet les agriculteurs sont satisfaits. Le Syndicat des Installations de Photovoltaïque « n’est pas catastrophé ». Les petites installations sont effectivement moins touchées. Par contre, les entreprises qui traitent de gros chantiers se trouvent lourdement pénalisées. La Société Ténergie a déclaré :
Au nom de la spéculation, le ministère tire à vue sur les gros projets.
Le nouvel arrêté devrait sortir dans le courant du mois de mars.
Les incertitudes de l’arrêté tarifaire
Mais des problèmes demeurent. D’une part, selon Les EnR, l’état est attaquable sur plusieurs points :
- la rétroactivité de la loi est interdite en France ;
- l’égalité devant la loi n’est pas respectée, puisque par exemple un hôpital a un tarif plus intéressant qu’un domaine agricole ;
- enfin de très nombreux projets sont en attente dans les bureaux d’ERDF (cf. l’article Tout le monde il est beau… sur notre blog).
D’autre part, le ministère pénalise les secteurs industriels et tertiaires alors qu’ils représentent les plus forts potentiels dans ce domaine (avec le secteur agricole) et souhaite privilégier les domaines de l’éducation et de la santé. Mais comment les collectivités locales et l’état, déjà fortement endettés, pourraient-ils financer de tels projets ? Le potentiel de développement dans ces domaines est donc faible. De même, pour un particulier, l’investissement devient beaucoup moins rentable, comme le constate Erik Van Baren, patron de Fotosol’R, bureau de conseil et d’études d’ingénierie sur le photovoltaïque, dans l’Usine Nouvelle. Seule solution selon lui : les producteurs vont devoir baisser leurs tarifs, sinon une baisse du marché est à craindre. Et s’il s’agit d’un immeuble d’habitation à toit plat, fréquent dans la région parisienne entre autres, il faudra un réel engagement environnemental pour se lancer dans un projet de cette sorte : inutile d’en attendre un retour financier.
Enfin, et peut-être surtout, Les EnR relèvent :
Mais finalement cette petite guerre des tarifs de rachat montre le manque de maturité de la France dans un sujet aussi important que la production d’énergie électrique décentralisée. Entre les sociétés qui n’ont que pour objectif de gagner de l’argent en surfant sur la vague photovoltaïque avec un tarif d’achat élevé, des investisseurs qui cherchent des rentabilités à 10% sur des projets photovoltaïques, on oublie que cette technologie a aussi pour vocation de nous permettre de réduire nos émissions de gaz à effet de serre et de protéger tout simplement notre planète…
Effectivement, il serait peut-être bon d’en revenir à l’intérêt premier des énergies renouvelables dont le photovoltaïque fait partie. Réduire les gaz à effet de serre, c’est bien ce que nous cherchons, n’est-ce pas ?
Sources : Batiactu, Les EnR, le Midi-Libre, l’Usine Nouvelle, Photovoltaïque.Info, Energies nouvelles, l’ADEME
* Définition de l’ADEME : La puissance-crête d’une installation photovoltaïque (exprimée en kWc) est la puissance maximale (capteurs bien orientés, bien inclinés, sans ombrage) qu’elle peut produire sous un ensoleillement donné. Dix mètres carrés de modules courants développent une puissance-crête d’un kilowatt, soit environ une énergie de 900 kWh à Lille et de 1 200 kWh à Nice, par an.