Comme l’année dernière à la même époque, Les Amis de la Terre viennent de décerner les Prix Pinocchio du développement durable, prix peu enviés remis aux entreprises ayant le mieux « réussi » dans les domaines des dégâts à l’environnement, du non-respect des droits de l’homme ou de l’écoblanchiment. 12 649 internautes ont cette année participé au vote afin de déterminer, parmi les nominés, les plus « méritants » pour les catégories « Une pour tous, tout pour moi », « Plus vert que vert » et « Mains sales, poches pleines. »
Dans la catégorie « Un pour tous, tout pour moi »
C’est l’entreprise sucrière Tereos, groupe français spécialisé dans la transformation de la betterave, qui arrive en tête des nominés. Elle doit son prix à son action au Mozambique, par l’intermédiaire de la sucrerie Sena, dont elle détient 75 % du capital. Elle y exploite de 98 000 hectares pour produire des biocarburants, alors que les émeutes de la faim de la population locale ont causé 13 morts :
L’expansion des agrocarburants accapare des zones forestières et naturelles pour les transformer en monocultures énergétiques. Elle confisque des terres agricoles fertiles qui permettaient aux populations locales de produire leur nourriture.
Tereos coiffe sur le poteau Sime Darby, société productrice d’huile de palme, et Bluecar de Bolloré, pour l’utilisation du lithium, métal dont l’exploitation a des conséquences désastreuses sur les ressources en eau, notamment dans le nord du Chili.
Dans la catégorie « Plus vert que vert »
Dans cette catégorie qui dénonce l’écoblanchiment d’entreprises plus soucieuses de leur image que de l’environnement, c’est Vinci qui prend la tête pour son projet d’aéroport Notre Dame des Landes (Loire Atlantique), où, pour compenser les 2 000 hectares de terre agricoles fertiles bétonnés et la destruction d’un bocage d’une qualité écologique exceptionnelle, l’entreprise de BTP propose la création « observatoire agricole » qui aura pour mission l’élaboration « d’un document témoin sur l’histoire du site » , une garantie aux agriculteurs du coin qu’ils pourront vendre leurs produits dans « les restaurants et les boutiques de l’aérogare » et même une « ferme de démonstration en face des parkings » et à un « parcours pédagogique imaginé par le concessionnaire » . Il ajoute à cela la création d’une AMAP, (Association pour le maintien de l’agriculture paysanne) pour « encourager l’agriculture durable en initiant la vente de paniers bio aux salariés de la plateforme » .
Vinci devance dans cette catégorie Veolia Eau pour le décalage entre l’image qu’il veut se donner et ses actions à Bruxelles ou à Rabat, et l’Observatoire du Hors Média qui vante « les vertus environnementales du prospectus papier » .
Dans la catégorie « Mains sales, poches pleines »
Les internautes désignent la Société Générale lauréate de cette catégorie pour son financement d’installations nucléaires dans des zones peu sûres. La Société Générale se situe au 4ème rang mondial des banques finançant le secteur nucléaire. Elle coordonne le consortium de banques privées à l’origine d’un financement de 1,1 milliard d’€ pour la construction du réacteur nucléaire Angra 3 ( « modèle de réacteur des années 70 » ) sur la côte de l’Etat de Rio de Janeiro au Brésil. « En cas d’évacuation nécessaire, la route de secours la plus importante est souvent bloquée par des glissements de terrain et des éboulements, ce qui a été souligné à de nombreuses reprises par les collectivités locales proches du site » . La banque est également pressentie pour participer au financement de la construction de la centrale nucléaire de Jaitapur en Inde. « Le site est pourtant situé sur une zone à la limite de trois failles tectoniques, avec de potentiels tremblements de terre pouvant atteindre le niveau 7 sur l’échelle de Richter » .
Perenco, entreprise pétrolière franco-anglaise, arrive en seconde position pour l’exploitation de nouveaux puits pétroliers dans le Parc National de la Laguna del Tigre, la plus grande zone humide de l’Amérique Centrale. Elle est suivie de Toreador, car l’entreprise ne renonce pas, malgré ses affirmations, à exploiter les gaz et huiles de schiste sur le territoire français, « entre mensonges aux populations et pressions sur les journalistes » .
Un prix Pinocchio « d’honneur » a d’autre part été décerné à Total, pour l’ensemble de son action au Canada (sables bitumineux), au Nigéria (pétrole) et bientôt aux Etats-Unis (gaz de schiste). Laissons la conclusion à Romain Porcheron, chargé de mission :
Une fois de plus, les prix Pinocchio mettent l’accent sur les décalages entre les discours et la réalité. Grâce à des budgets en communication colossaux, ces entreprises bénéficient de retombées positives en termes d’image auprès de leurs actionnaires, de leurs clients et des citoyens, alors qu’elles ne s’engagent que sur des grands principes généraux peu opérationnels, et ne sont pas redevables de leurs actes en cas de non-respect de ces approches volontaires. Par ailleurs, elles font payer leurs dégâts aux populations les plus démunies, notamment celles du Sud.
Sources : Les Amis de la Terre, Le Monde
Voir aussi : Les résultats de 2010