L’association Les Amis de la Terre, en partenariat avec le CRID (Centre de Recherche et d’Information pour le Développement) et Peuples Solidaires, décerne chaque année des « trophées » aux entreprises qui, loin de mettre en application les idées de développement durable dont elles se réclament, montrent par leurs activités réelles le peu de cas qu’elles font de l’environnement ou des populations, ou encore appliquent avec soin toutes les règles de l’écoblanchiment (ou greenwashing, cf. notre article du 1er mars).
L’événement a pour objectif de montrer le « vrai visage » de ces entreprises et les impacts réels de leurs activités, notamment dans les pays du Sud, et de faire avancer le débat public sur la responsabilité sociale et environnementale des entreprises.
Les dossiers sont présentés sur le site Les Amis de la Terre, et tous les internautes peuvent voter. Leurs voix comptabilisées permettent de décerner les prix des meilleurs menteurs de trois catégories : droits humains, environnement et greenwashing.
Dans la catégorie « droits humains », le prix revient à l’entreprise Somdiaa, appartenant au groupe agroalimentaire Vilgrain, pour l’impact de sa filiale camerounaise, Sosucam, qui développe ses activités de production et de transformation de la canne à sucre sans se soucier des populations locales dont la sécurité alimentaire est menacée.
Ainsi les habitants de Ndo espèrent que ce prix fera réagir Alexandre Vilgrain, PDG de la Somdiaa, et qu’il usera de son influence pour mettre un terme aux violations de leurs droits par sa filière camerounaise, la Sosucam.
Dans la catégorie « environnement », le groupe minier Eramet se voit décerner le prix en raison de son projet de développement de la mine de nickel de Weda Bay en Indonésie. Aloys Ligault, chargé de campagne pour la responsabilité sociale et environnementale aux Amis de la Terre, précise :
Ce cas illustre le double discours du groupe qui, loin de l’image d’entreprise citoyenne qu’elle souhaite promouvoir, vient d’obtenir une caution de la Banque mondiale pour un projet extractif à grande échelle dans les fragiles écosystèmes forestiers de l’île d’Halmahera.
Ce projet se situe en effet dans une forêt primaire, classée par le gouvernement indonésien « forêt protégée », mais dont la loi a été amendée sous la pression de l’industrie minière. Eramet prétend donc son projet « en parfaite conformité avec la loi indonésienne et la réglementation internationale » et « exemplaire », ce qui est loin d’être l’avis des ONG, car les procédés de cette extraction utilisent des produits chimiques dont les rejets pourraient mettre en péril les écosystèmes.
Pour la catégorie « greenwashing », la première place revient au Crédit Agricole qui se positionne en faveur du développement durable dans une récente campagne publicitaire « It’s time for Green Banking », mais qui parallèlement investit dans une centrale à charbon à Medupi en Afrique du Sud, alors que ce projet polluant est « décrié par la société civile internationale ». Notons que le Crédit Agricole avait déjà été nominé l’année dernière pour sa participation financière dans l’entreprise Dongfeng, fournisseur des militaires birmans.
Ces dénonciations peuvent parfois faire évoluer les choses, par exemple en ce qui concerne justement le Crédit Agricole qui avait alors revendu ses actions de Dongfeng. Aloys Ligault conclut :
Au final, il s’agit avant tout d’informer et dénoncer les activités de certaines multinationales, que les gouvernements ne parviennent pas à contraindre. De combien de BP aurons-nous besoin pour que les pouvoirs publics prennent enfin leurs responsabilités ?
L’édition précédente des prix Pinocchio avait « couronné » Bolloré (droits humains), Total (environnement), et EDF (greenwashing).
Sources : Le Monde, Le Journal de l’Environnement, CDurable, Novethic