S’appuyant sur une étude réalisée par le cabinet de conseils North Energy, quatre associations s’élèvent contre un très grand projet de production de jatropha (jatropha curcas, également appelée médicinier) au Kenya, au motif que cette culture intensive contribuerait, encore plus que le pétrole, au changement climatique.
Produire de l’agrocarburant…
La directive européenne 2009/28 prévoit de porter à 10 % la part d’énergie de sources renouvelables pour les transports d’ici 2020. Diverses entreprises à travers le monde se lancent donc dans la culture de plantes permettant la fabrication de biocarburant. C’est a priori le cas du jatropha, arbuste de la famille des Euphorbiacées, originaire d’Amérique Centrale, dont le fruit, toxique pour l’homme comme pour les animaux, produit une huile aux propriétés proches de celles du pétrole. Ceci lui a valu son surnom « d’or vert », car certains y ont vu la plante d’avenir pour les agrocarburants.
Le projet de la filiale kenyane d’une société italienne, Nuove Iniziative Industriali, consiste à planter de jatropha 50 000 hectares de terres à Dakatcha, près de la côte de l’Océan Indien, actuellement en grande partie boisées. Les quatre ONG (Action Aid, de Birdlife International, de Nature Kenya et de la Royal Society for the Protection of Birds) dénoncent ce projet à plusieurs titres.
Mais à quel prix ?
Au point de vue humain déjà : ce projet purement commercial mettrait en danger des populations fragiles. Ainsi, David Barissa, de ActionAid relève :
Dans un pays comme le Kenya où 10 millions d’habitants risquent de souffrir de la faim, il est irresponsable de détruire les fermes et les maisons des gens simplement pour faire rouler les voitures en Europe.
Argument que les promoteurs du projet rejettent, car ils estiment qu’ils vont ainsi créer des centaines d’emplois permanents.
Au point du vue écologique, le bilan d’une telle opération s’avèrerait catastrophique, selon les associations. D’une part, ce projet entrainerait la déforestation de ces terres, or le changement d’usage d’un sol arboré provoque d’importantes émissions de gaz à effet de serre dans l’atmosphère (selon un rapport du Programme des Nations Unies pour l’environnement) et une plantation absorbe beaucoup moins de carbone qu’une forêt tropicale. De plus, les associations remarquent que :
Si on prend en compte les émissions produites lors des processus de production et de consommation, l’étude, réalisée par la société conseil North Energy, montre que le jatropha émettrait entre 2,5 et 6 fois plus de gaz à effet de serre que les énergies fossiles traditionnelles.
D’autre part, cette plante demande lors de sa culture beaucoup plus d’eau que le colza ou le palmier à huile, et nécessite l’épandage, selon un rapport de 2010 des Amis de la Terre, de nombreux produits chimiques, car elle est très vulnérable aux maladies et aux insectes. Enfin, la forêt menacée abrite d’importantes populations d’oiseaux, dont des espèces rares qui verraient leur existence menacée par la destruction de leur habitat.
Et pour quel résultat ?
D’ailleurs, le Programme des Nations-Unies pour l’environnement s’est d’ailleurs montré réservé, dans un rapport sur les biocarburants publié en 2009, sur la culture du jatropha :
Le jatropha peut permettre d’économiser des gaz à effet de serre s’il est cultivé sur des terres dégradées, mais s’il pousse sur des terres d’arbustes, cela peut augmenter les émissions en raison du changement d’usage des terres.
Enfin, on peut remarquer que jusqu’à présent, les quelques groupes qui ont voulu se lancer dans la culture intensive du jatropha ont obtenu de très mauvais résultats, car la plante n’a pas eu le rendement attendu : ainsi la compagnie hollandaise BioShape, qui avait acquis des terres en Tanzanie, a fait faillite en 2010. Et BP a préféré se retiré d’un projet d’exploitation de jatropha avec l’entreprise britannique D1 Oils.
Sources : 20 minutes, Le Journal de l’Environnement, jatrophacurcasplantations.com