Pour chaque euro de bénéfice généré par l’édition d’un roman en France, il existe un coût caché environnemental et social de 75 centimes à la charge de la société, principalement à cause de la fabrication du papier : ce sont les conclusions d’une étude, réalisée par le Basic (Bureau d’Analyse Sociétale pour une Information Citoyenne), Un livre français : évolutions et impacts de l’édition en France.
Cette étude avait pour objectif d’explorer et de mesurer les différents impacts sociaux et environnementaux liés à la filière du livre, « depuis la plantation d’eucalyptus au Brésil jusqu’aux étagères des libraires en France » et même à la vente et à la fin de vie. Malgré un « exercice fastidieux » , les résultats ne permettent que de donner un ordre de grandeur, « tant l’opacité est grande tout au long de la chaîne, chaque acteur étant dans l’ignorance partielle ou complète des autres maillons, surtout en amont. »
Depuis une trentaine d’années, de grands groupes financiers ou d’envergure internationale ont imposé au secteur une pression toujours plus forte pour réduire les coûts de production. En 2014, trois grands groupes (Hachette Livre, Editis et Madrigall) se partageaient en France 50 % du chiffre d’affaires du secteur. Les impératifs de rentabilité à court terme ont favorisé le gaspillage : « chaque année, plus d’un livre sur quatre est ainsi détruit (pilonné) sans avoir jamais été lu. »
Cela n’est pas sans conséquences sur la filière : ces 10 dernières années, les industries françaises de l’impression et du papier se sont effondrées, perdant 1 emploi sur 3 (c’est le 3ème secteur le plus touché par les destructions d’emplois, après les secteurs textile et extractif), au profit de groupes situés dans d’autres pays offrant un coût de production plus faible.
Le Brésil est ainsi devenu le symbole de la mondialisation du papier : la majorité de la pâte à papier nécessaire à la fabrication de nos romans en provient. Des conglomérats de taille mondiale y exploitent d’immenses productions d’eucalyptus clonés, au détriment de la biodiversité, des populations locales et des ressources en eau. La Chine et l’Indonésie font aussi partie de ces pays « moins-disant socialement et environnementalement. » Afin de rendre les essences tropicales toujours plus productives et rentables, « se sont alors développées en Asie du Sud-Est et en Amérique latine des plantations industrielles monoculturales d’essences hybridées ou clonées d’eucalyptus et d’acacia » , des filières industrielles associées à de mauvaises conditions de travail et de santé pour les employés des plantations.
Les mutations de la filière du livre ont pour impact majeur des émissions de gaz à effet de serre qui restent à un niveau très élevé tout au long. Si la baisse de production du papier a diminué les impacts tels que la pollution de l’air et des sols en France, elle les a augmentés dans d’autres pays où sont désormais localisées les activités d’exploitation forestière et de fabrication de la pâte à papier. « Plantations de bois certifiées, fibre recyclée ou liseuse, [l’étude] montre qu’aucune alternative ne peut à elle seule mettre fin aux impacts constatés. Elle conclut sur le besoin de faire émerger, avec tous les acteurs français, une filière du livre durable. »
Source : Le Basic