De petites villes avaient déjà essayé, avec un succès certain, d’appliquer la formule « pollueur, payeur » aux particuliers depuis quelques années. Mais pour la première fois, une grande ville (et sa communauté d’agglomération), Besançon (Doubs) vient d’annoncer la mise en place d’un système de redevance d’enlèvement des ordures ménagères (REOM) incitative dès 2012. Le paiement d’enlèvement des ordures au poids fait d’ailleurs partie des travaux du Grenelle de l’environnement.
Rappel en chiffres
En France actuellement, le calcul de la taxe d’ordures ménagères est lié au logement occupé et non au nombre de personnes vivant dans ce logement. Le pays produisait environ, en 2007, 390 kg de déchets par an et par habitant, et seuls 20 % étaient recyclés. Pourcentage vraiment minime qui signifie que 300 kg environ par habitant étaient enterrés ou incinérés.
Certains pays ont réagi largement avant nous : l’Allemagne, l’Autriche, la Suède, la Suisse, la Belgique pour ne citer qu’eux. En Belgique, par exemple, les déchets enlevés ont ainsi été réduits en quelques années de 369 kg par an et par habitant à 115 kg. Plus de trois fois moins !
« Réduisons vite nos déchets, ça déborde ! »
Le slogan n’est pas récent : il date de 2005. Si depuis (et avant), de nombreuses communes appliquent le tri sélectif, ce n’est pas encore le cas partout : de nombreuses communes rurales ne voient toujours rien venir. Pas de poubelles spécifiques, pas de sacs de couleur pour inciter au tri, et encore moins d’enlèvement sélectif. Trier ses déchets dépend alors de la bonne volonté (ou pas) de chacun et aller les porter en déchetterie, ou dans les containers les plus proches (souvent à plusieurs kilomètres), oblige à remplir régulièrement sa voiture de déchets divers, pour tomber parfois devant une porte close (déchetterie fermée) ou des containers débordant tellement qu’il est hors de question d’y ajouter sa petite obole !
D’autres petites communes par contre se sont engagées dans cette voie depuis plusieurs années et le constat est plus que positif. La communauté de communes de la Porte d’Alsace (13 300 habitants), autour de Manspach (Haut-Rhin) a adopté le système de paiement d’enlèvement des déchets au poids depuis 1999. La communauté de communes de Ribeauvillé (18 000 habitants) lui a emboité le pas dès 2002. La redevance est divisée en deux parties : une part variable, demandée à chaque ménage en fonction des déchets résiduels qu’ils n’ont pu éliminer, et une petite part fixe, permettant de couvrir un service minimum d’enlèvement et le coût de fonctionnement des déchetteries.
Pour calculer, un système en trois parties. D’abord, sur chaque poubelle, une puce contient les informations liées au redevable : nom et adresse, date et heure de l’enlèvement et poids net. Dans le camion, une antenne reconnait la puce, le lève-conteneur effectue la pesée et les données sont transmises à un ordinateur embarqué. Au retour du camion à son centre, les données sont collectées et envoyées à chaque commune qui facture ainsi au plus juste ses administrés. Dans la communauté de commune de la Porte d’Alsace, en moyenne, les déchets se sont réduits de 400 kg par an et par habitant à 96 kg !
Téléchargez la fiche explicative réalisée avec l’Ademe Alsace, et découvrez en page 2 du document le principe de fonctionnement du système.
Pour la première fois en France, une grande ville
La communauté d’agglomération de Besançon est cependant la première ville de plus de 50 000 habitants à se lancer dans ce projet : il s’agit cette fois-ci de 180 000 habitants concernés. Les véhicules de collecte seront aussi équipés d’un système de pesée, et à chaque ramassage enregistreront les résultats. Le but est bien entendu de favoriser la réduction des déchets et leur recyclage. Les habitants seront donc invités à trier en amont et à déposer dans les containers installés dans tous les quartiers le papier, le verre, le plastique et les autres recyclables.
Contre quoi, leur redevance se décomposera en trois parts : une part fixe de 50 % pour chaque usager, une part variable de 40 %, calculée selon le poids des déchets, et une seconde part variable qui prendra en compte la fréquence d’enlèvement des ordures. Ce système se mettra en place dès 2012.
Une autre agglomération a annoncé récemment envisager de se lancer dans ce système de paiement au poids des ordures enlevées : celle de Brive dans la Corrèze (90 000 habitants sur l’aire urbaine). Mais elle se donne cinq ans pour aboutir.
Plusieurs freins existent en fait à ces mesures qui permettraient pourtant de recycler une bien plus grande part des déchets qu’actuellement. D’une part, les investissements sont importants, et les communes reculent devant les craintes d’impayés qui rendraient leurs charges plus lourdes encore. D’autre part, les entreprises qui assurent la collecte voient d’un mauvais œil la diminution des volumes embarqués, synonyme pour eux de diminution du chiffre d’affaires. Au total actuellement, guère plus d’une vingtaine de collectivités locales de moins de 50 000 habitants se sont engagées dans ce chemin, et Besançon sera la première grande agglomération à appliquer une redevance d’enlèvement des ordures ménagères incitative.
L’engagement 243 de la table ronde du Grenelle de l’environnement consacré aux déchets prévoyait déjà que :
La détermination de la part variable (pesée embarquée, nombre de sacs, taille du container, etc.) serait laissée au libre choix des collectivités, ce qui permettrait de faire payer plus ceux qui produisent plus de déchets tout en préservant l’équité grâce à la part fixe.
Le but était de faire baisser progressivement la part fixe au profit de la part variable. Mais la loi est toujours en gestation et faute d’outils législatifs incitatifs, ces initiatives restent marginales et ne concernent qu’une toute petite partie de la population française, ce qui est regrettable.
Sources : Le Progrès, l’Alsace, Naturavox, ADEME, la Lettre du Cadre, Rue 89