Pendant le smog hivernal en Suisse, la combustion du bois représente la principale cause de particules fines carbonées, nuisibles à la santé. Une vaste étude d’une durée de 5 ans, menée par des scientifiques de l’Institut Paul Scherrer (PSI), de l’Université de Berne et de l’EPF Zurich, le démontre.
L’expression « poussières fines » désigne des particules en suspension dans l’air, dont le diamètre n’excède pas 10 milliers de millimètres (10 micromètres). Contrairement aux plus grosses, elles ne sont arrêtées ni par la gorge, ni par le nez, peuvent donc atteindre les poumons et, de là, la circulation sanguine, et causer des atteintes aux voies respiratoires et cardiovasculaires. Ces concentrations élevées entraînent des taux de mortalité importants. L’étude du PSI a recherché l’origine de ces particules fines, qui constituent une pollution particulièrement forte lors du smog hivernal. Les échantillons ont été recueillis en agglomération, mais aussi dans des villages et des vallées alpines.
Les scientifiques ont utilisé la méthode du carbone 14 pour déterminer si la poussière fine était d’origine fossile (pétrole, gaz, charbon) ou non-fossile (biomasse). « Extraire séparément ces deux variantes de carbone des échantillons de poussières fines pour la mesure de C-14 a représenté un grand défi. C’est un art que, dans le monde, seuls quelques groupes de recherche maîtrisent, et il a été rendu possible dans cette étude grâce à la collaboration entre le PSI et l’Université de Berne« , explique Peter Zotter, doctorant au PSI, qui a accompli ce travail.
En Suisse, les émissions fossiles de carbone élémentaire issues de l’industrie, des chauffages à gaz et au mazout restent marginales, tout comme les émissions non fossiles dues aux feux de forêt, aux usines d’incinération des déchets et aux grillades. Cela signifie que la part fossile peut être entièrement attribuée au trafic, et la part non fossile aux poêles et aux fours à bois. L’origine du carbone organique est plus complexe à déterminer : ce dernier peut résulter d’une multitude de sources (combustion du bois, trafic, sources biogènes comme les émissions des forêts et la cuisson. Par ailleurs, la poussière fine organique peut être émise directement, ou se constituer dans l’atmosphère par la transformation d’hydrocarbures volatils gazeux en particules fines. Lors de cette étude, le carbone organique non fossile a pu être attribué majoritairement à la combustion du bois, car en Suisse, les émissions des forêts sont pratiquement inexistantes pendant l’hiver et les émissions liées à cuisson représentent une part plus petite.
Dans le nord et dans le sud de la Suisse, la pollution aux particules fines se révèle d’une composition différente. Au Nord des Alpes, selon les stations, la part non fossile de carbone organique dans la poussière fine se situe entre 70 et 87%. Cela signifie qu’au Nord des Alpes, la part fossile, et donc la part de carbone organique attribuable au trafic routier, s’élève au maximum à 30%. Au Sud des Alpes, la part attribuable aux moteurs à combustion est encore plus faible : la pollution par carbone organique due à la mobilité s’élève au plus à 19%. La prépondérance de la part non fossile au Nord comme au Sud signale clairement l’importance des chauffages à bois dans les pics hivernaux de pollution aux poussières fines.
L’étude conclut qu’il faut mettre davantage les fours à bois au centre des mesures de réduction de la pollution aux poussières fines en Suisse. Notamment parce qu’au niveau du trafic, il faut s’attendre à l’avènement de nouvelles règlementations sur les réductions des émissions de particules fines. Une possibilité serait d’encourager les fours à bois modernes plus performants. Ils émettent moins de carbone noir et surtout moins de composés organiques carbonés, car ils assurent une combustion plus complète. Or dans le cadre de cette étude, les chercheurs du PSI ont découvert que les fours à bois sur le plateau suisse, où l’habitat est dense, émettaient proportionnellement moins de carbone organique – un indice que les fours à bois utilisés dans cette région sont plus performants que ceux du Sud des Alpes.
Source : Institut Paul Scherrer