Les productions particulières d’énergie photovoltaïque risqueraient d’entraîner, à terme, des coupures électriques. C’est ainsi que Michelle Bellon, présidente du directoire d’ErDF, a exprimé des inquiétudes bien surprenantes, lors d’un récent colloque de l’Union Française de l’électricité. Ses déclarations ont aussitôt suscité une chaîne de réactions, notamment celles des professionnels de l’énergie solaire.
Les déclarations
Selon ErDF donc, l’électricité, produite par les particuliers au moyen de panneaux photovoltaïques et réinjectée dans le réseau, pourrait être responsable de surtension lorsque la production excèderait la demande. La surtension occasionnée entraînerait alors des coupures. Inquiète de « la prolifération des panneaux photovoltaïques », la présidente du directoire souligne pour les particuliers « un effet d’aubaine assez fabuleux » en raison des tarifs de rachat de l’électricité produite et s’alarme des demandes, toujours plus nombreuses, de raccordement :
500.000 raccordements d’ici à 2013, ce sont 3 milliards d’euros d’investissements. Or c’est ERDF qui finance le raccordement et les renforcements du réseau qui y sont liés (…) Comment va-t-on gérer toute cette production non prévisible, aléatoirement ? Ça va être extrêmement complexe.
Elle donne ainsi l’exemple du département des Landes, où les projets de raccordement représenteraient cinq fois la consommation de pointe du département.
Les protestations
L’association professionnelle de l’énergie solaire, Enerplan, a aussitôt réagi en ces termes :
Bien que la France soit encore loin de ses objectifs de déploiement des énergies renouvelables, ERDF s’inquiète de sa capacité à gérer l’augmentation du parc solaire photovoltaïque. Pour rassurer Mme Bellon, nous l’invitons en Allemagne qui a déjà dépassé dans son mix électrique le seuil d’1 % d’électricité solaire qu’a retenu le Grenelle de l’Environnement pour 2020 en France (…) Cette visite sera l’occasion de prouver par la réalité que si peu d’électricité solaire ne déstabilise pas le réseau électrique allemand. Qui plus est, ce sera l’occasion pour ERDF de s’initier aux bonnes pratiques du gestionnaire de réseau pour connecter les installations photovoltaïques outre Rhin.
Quant au syndicat des énergies renouvelables, SER-SOLER, il a déclaré :
Les professionnels de la filière tiennent à rassurer leurs concitoyens. Il n’est pas nécessaire d’apporter des modifications majeures à notre réseau tant que la France ne disposera pas d’un parc d’une puissance 100 fois supérieure à celui d’aujourd’hui (…) Le nombre de producteurs s’élève aujourd’hui à 0,1 % des consommateurs en France métropolitaine. Cela signifie qu’aucun risque de black-out n’est à craindre. Il faut néanmoins anticiper le développement de cette forme d’électricité et son accueil sur le réseau, même si la limite qui pourrait impliquer une nouvelle structuration du réseau est encore lointaine.
D’autres font remarquer qu’au fond, tout ceci est une question d’argent : le kWh généré par un particulier grâce à l’énergie solaire est racheté 0,58 €, soit un tarif bien supérieur à celui du marché. Les énergies renouvelables, lorsqu’elles sont produites par des particuliers, reviennent donc cher à ErDF mais n’oublions pas que par le mécanisme dit du CSPE (contribution au service public de l’électricité) ces éventuels surcoûts, liés à la mission de service public qui lui est attribuée, sont refacturés quelques centimes d’euros sur la facture de tous les français. Certes on ne peut pas encore stocker l’énergie électrique, mais par le passé, ErDF utilisait déjà des processus de pompage/turbinage sur les barrages afin de réguler la production électrique.
Enfin, si l’électricité ne se stocke pas, elle se transporte. Et le député de l’Isère, François Brottes souligne que dans certaines régions, les habitants refusent à la fois des moyens de production et des réseaux de transport d’électricité. Il estime qu’il serait juste de jouer dans ce cas sur les tarifs d’acheminement de l’électricité vers ces régions pour traduire financièrement ce refus :
Il n’est pas normal que ces régions payent le même prix si elles ne veulent pas de production sur leur sol. Est-ce que c’est normal de concentrer toutes les centrales au même endroit? Celui qui assume d’avoir une centrale sur son territoire doit-il payer le même prix que les autres ?
Que l’énergie solaire nous plonge dans le noir, voilà qui serait un comble !
Sources : Batiactu, Greenzer, Energie 2007