Dans une tribune parue dans le quotidien Le Monde, Vincent Maillard, président et cofondateur de Plüm, fournisseur d’énergie alternatif, explique comment « la transition énergétique est partout entravée« . Il prend à partie « les colosses du secteur énergétique » qui maintiennent une réglementation empêchant des offres innovantes et sobres en énergie de se déployer. Il propose trois mesures simples pour une concurrence par l’innovation, et une autre… plus radicale.
Des opérateurs historiques qui freinent la transition énergétique
Vincent Maillard estime que « l’innovation pourrait être un formidable levier d’accélération de la transition énergétique« . Il constate cependant qu’elle est « partout entravée » par des opérateurs historiques, pour qui « la concurrence en matière d’énergie ne servirait à rien« .
Ces entraves se retrouvent même dans le rapport relatif à la prochaine Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) : il ne contient que trois fois le mot « innovation », contre quatre-vingt-quatre fois le mot « nucléaire ».
Le marché français se concentre autour de trois « colosses » historiques du marché énergétique – EDF pour l’électricité, Engie pour le gaz et Total, pétrolier qui vient d’ajouter à ses activités la fourniture d’électricité et de gaz – alors qu’il serait temps de laisser les nouveaux acteurs de l’énergie se déployer.
Des fournisseurs alternatifs limités par la règlementation
Et ceci pour deux raisons : d’une part, ils veulent et peuvent contribuer à la transition énergétique via des offres innovantes. D’autre part, certains n’étant pas producteurs, ils ont « un intérêt crédible » à accompagner leurs clients vers une consommation plus sobre.
Mais la réglementation actuelle les imite à deux créneaux : des prix réduits et des « offres vertes certifiées renouvelables« , « Ironique lorsque l’on sait que les offres à prix réduits, qui dominent le marché, recèlent un coût caché : elles incitent les clients à consommer plus. En prenant des hypothèses raisonnables, on constate en effet qu’une baisse « faciale » de 10 % du prix du kilowatt-heure, aboutit in fine à une baisse infinitésimale de la facture des clients… et à une augmentation significative des émissions de gaz à effet de serre. »
Des mesures pour une concurrence par l’innovation
Quelques mesures simples permettraient, selon M. Maillard, une concurrence par l’innovation. La première serait que l’ancien fournisseur transfère au nouveau, avec le consentement du client, ses données de consommation, afin que le nouveau puisse lui proposer l’offre la plus adaptée.
La seconde serait qu’Enedis informe systématiquement les clients équipés de Linky des offres innovantes possible avec ce compteur, même si elles émanent de fournisseurs alternatifs.
La troisième consiste à favoriser les offres tarifaires dites d’effacement (type EJP ou Tempo) qui récompensent les usagers qui réduisent leur consommation lors des pics : « Il suffirait pour cela de permettre aux nouveaux fournisseurs de se substituer aux opérateurs historiques qui ont, bien avant la libéralisation, délaissé ces offres. »
Une refonte complète de l’organisation du marché
Il évoque même une mesure plus radicale : « neutralisons les avantages considérables que détiennent les opérateurs intégrés dans la production et qui leur permettent de compenser leurs pertes sur les marchés de détail par leurs gains sur les marchés de gros. »
« Cela suppose évidemment une refonte complète de l’organisation du marché, afin de permettre aux consommateurs de bénéficier pleinement des innovations proposées par les nouveaux acteurs et permises par les nouvelles technologies, pour que s’engage enfin un cercle vertueux vers une consommation plus respectueuse des ressources naturelles. Cela nécessite un ministre qui soit à la fois légitime, reconnu et apte à faire face à des dinosaures énergétiques qui, par nature, ne chercheront qu’à maintenir le statu quo, au détriment de la planète » conclut-il.
Source : Le Monde
Source image : L’Expansion