Un rapport de l’IATP (Institute for Agricultural and Trade Policy) et de l’ONG Grain évaluent les émissions de GES (gaz à effet de serre) du secteur de la viande et des produits laitiers à l’horizon 2050. Elle montre que ce secteur sera alors la principale cause de rejet de CO2 et que sa croissance est donc incompatible avec les objectifs de l’Accord de Paris.
Des émissions de GES qui manquent de transparence
Intitulé Emissions impossibles, le rapport pointe le manque de transparence de la plupart des plus grosses entreprises du secteur de la viande et des produits laitiers. Il analyse les 35 plus grandes, fortement concentrées dans certains pays : les États-Unis, les pays de l’UE, le Canada, le Brésil, l’Argentine, l’Australie, la Nouvelle-Zélande et la Chine.
Sur ces entreprises mondiales de production de viande et de produits laitiers, seules 4 « fournissent des estimations d’émissions complètes et crédibles« . Il s’agit de NH Foods (Japon), Nestlé (Suisse), FrieslandCampina (Pays-Bas) et Danone (France). Et, Danone est la seule à s’être engagée sur un objectif « zéro émission ».
Pour les autres, « Nous avons constaté que les données publiquement accessibles sur les émissions étaient incomplètes, qu’il n’était pas possible d’établir des comparaisons entre les entreprises ou les années et que, dans la majorité des cas, ces données n’existent tout simplement pas« , soulignent l’ONG Grain et l’IATP. Le rapport ajoute que « la plupart des entreprises qui déclarent des émissions les ont considérablement sous-déclarées et n’ont pas pris en compte la plupart des émissions de leur chaîne d’approvisionnement dans leurs calculs« .
EN 2050, un secteur responsable de 80 % des émissions autorisées
Selon les estimations des deux organismes, les émissions de GES dont sont responsables les cinq premières entreprises du secteur de la viande et des produits laitiers sont déjà supérieures à celles d’Exxon, BP ou Shell. Ces firmes sont : JBS (Brésil), Dairy Farmers of America, Tyson et Cargill (États-Unis) et Fonterra (Nouvelle-Zélande).
En 2050, si la croissance du secteur se poursuit sur ce rythme, il pourrait émettre à lui seul 80 % des émissions mondiales autorisées dans l’Accord de Paris (soit 13 gigatonnes d’équivalent CO2) et compatibles avec la limitation du réchauffement climatique à 1,5°C.
« Si tous les autres secteurs s’engagent sur cette voie tandis que la croissance de l’industrie de la viande et des produits laitiers continue comme prévu, le secteur de l’élevage pourrait absorber jusqu’à 80 % du budget de GES autorisé en seulement 32 ans« , précise le rapport.
Des objectifs de croissance incompatibles avec ceux des émissions de GES
A peine une moitié de ces grandes entreprises ont mis en place des plans de réduction de leurs émissions de GES : 14 affichent des objectifs de réduction de leurs rejets, mais 6 d’entre elles encouragent parallèlement la croissance de la production et des exportations. Cela entraînerait ainsi « une augmentation de leurs émissions globales indépendamment de leurs intentions de réduire les émissions par kilo de lait ou de viande produite« .
Pa r exemple, JBS, un géant brésilien du secteur, table sur une augmentation de 30 % de la consommation de viande par personne d’ici 2030 : il compte que celle-ci passera de 37 kg par an et par personne en 1999 à 48 kg en 2030. Alors que selon un rapport de Greenpeace, il faudrait au contraire que la consommations de viande recule à 22 kg par personne et par an en 2030, puis à 16 kg en 2050, pour limiter les effets du changement climatique.
Ainsi, conclut Oliver De Schutter, ancien rapporteur spécial de l’ONU sur le droit à l’alimentation (2008-2014), co-président du groupe international d’experts sur les systèmes alimentaires durables, « L’élevage industriel et les secteurs laitiers contribuent grandement au changement climatique, mais ils ont jusqu’à présent échappé à tout contrôle, car ils ne collectent aucune donnée sur leur impact ou parce qu’ils ne prennent pas d’actions crédibles sur la base de ce qu’ils savent. Ce rapport devrait encourager les gouvernements à agir pour bloquer leur expansion. »
Sources : Reporterre, Environnement Magazine, Euractiv