Pas si sûr, si l’on en croit un rapport de l’association Agir Pour l’Environnement (APE) sur les freins au développement des véhicules électriques. Et alors que le Mondial de l’automobile met ces voitures en vedette cette année, d’autres voix discordantes se font entendre dans un secteur où la voix dominante prône la voiture électrique comme LE véhicule de l’avenir. L’APE détermine trois freins principaux et ne lui voit pas un avenir florissant :
Le démarrage poussif de la voiture électrique s’explique pour une large part à cause de trois freins que l’association juge quasi rédhibitoires : un prix excessif, une autonomie médiocre et un bilan carbone loin d’être satisfaisant. Le choix fait par certains constructeurs d’une voiture 100% électrique accroît de fait le risque d’un échec rapide et immédiat.
Un bilan carbone peu satisfaisant
Renault avait pris comme slogan pour ses véhicules électriques « zéro émission », mais le Royaume-Uni lui en a interdit l’usage dans sa publicité, comme « notion abusive ». Effectivement, il faut prendre en compte les émissions de gaz à effet de serre induites aussi bien par la fabrication de l’automobile que celles de la production du kWh permettant au moteur de propulser le véhicule. D’une part, la fabrication serait à l’origine de 14 à 20 % des émissions globales d’un véhicule ; d’autre part, le mix énergétique est plus ou moins carboné en fonction du moment de recharge. Le rapport de l’APE cite à ce propos l’ADEME :
Dès lors que la recharge des véhicules est réalisée à partir d’un mix électrique moyennement émetteur de CO2, le bilan carbone du kWh s’établit à environ 400 g/kWh (…) Le bilan du véhicule électrique en émissions de CO2 /km est proche des voitures de classe B actuellement (126 g CO2/km du « puits à la roue», contre 161 g/km pour la moyenne des ventes en 2008).
Or nous avons vu récemment (cf article du 27 septembre) que, selon les chiffres du MEEDDM, qu’en 2010, les voitures neuves n’émettent plus que 130 g environ de CO2/km. Quant au mix énergétique en question, il risque d’être particulièrement carboné si les voitures sont rechargées lors des pointes de consommation (cf. bilanCO2/CO2-live).
Une autonomie limitée
Selon les constructeurs, l’autonomie risque d’être limitée autour de 200 km pendant longtemps encore (actuellement plutôt 150 km, données constructeurs), ce qui en fait un véhicule urbain ou périurbain. L’APE cite le rapport « Véhicules 2030 » :
Les tests normalisés ne prennent pas en compte la consommation des accessoires (phare, essuie-glaces, dégivrage arrière) et surtout le chauffage ou le refroidissement de l’habitacle. […] On peut donc conclure qu’en usage réel urbain, l’autonomie d’un véhicule électrique pourrait être réduite de moitié.
Une autonomie divisée par deux nous amène aux environs de 75 km pour 7 à 8 heures de recharge. Ce qui ne permet pas d’en faire le véhicule unique du foyer car son usage se réduit à de petits déplacements ; or, en zone urbaine ces petits déplacements restent possibles par la marche à pied, le vélo ou les transports en commun.
Ceci entraîne donc des recharges fréquentes, qui demandent des lieux de rechargement nombreux (tout le monde ne dispose pas d’un garage ou d’une place de parking attitré, surtout en ville), compatibles et normalisés. Dans l’immédiat, les deux constructeurs français n’ont même pas réussi à s’entendre sur une prise commune… Et au niveau de l’Europe, si les parlementaires appellent à une standardisation internationale, ou au minimum européenne (cf notre article du 4 juin), la démarche de normalisation peut encore demander plusieurs mois, voire plusieurs années pour aboutir à un consensus. D’autant que le gouvernement français a imposé en octobre 2009 que la prise de rechargement soit « spécifique », bien qu’assez proche d’une prise classique.
Le prix du véhicule
Le rapport de l’APE pointe les importantes dépenses publiques induites : outre la prime de 5 000 € versée aux acquéreurs d’une voiture électrique, il faut aussi compter la création des infrastructures de rechargement, le développement de nouvelles lignes THT qui permettront d’acheminer l’électricité lors des pointes de consommation.
Mais au niveau individuel, il faut ajouter au prix, déjà très élevé, du véhicule, les batteries, qui sont, elles, en location et entraîne un paiement mensuel de l’ordre de 100 €. En cycle normalisé (c’est à dire au maximum), un kWh permet de rouler 6,5 km selon les normes constructeurs. L’APE table plutôt sur 30 kWh pour 100 km (il faut aussi faire fonctionner les accessoires), ce qui revient à 2 € pour 100 km, hors coût de la location des batteries, soit 2 fois moins que les véhicules les plus sobres, mais pour un véhicule vendu plus de 30 000 €. Un tarif qui met ces véhicules hors de portée de la bourse de beaucoup.
Les conclusions
La place réservée aux voitures électriques sera loin des 10 % espérés par les constructeurs. L’Europe tablait en fait sur 2 %. D’ailleurs Peugeot a revu à la baisse ses prévisions de vente, avec 50 000 exemplaires, soit 0,4 % des voitures vendues en France chaque année. Le rapport APE note :
Selon nous, la voiture électrique aura à l’avenir une place. Une place marginale mais une place tout de même. Pour des déplacements courts effectués dans un cadre professionnel et ce en zone urbaine. Le secteur automobile risque d’aller au devant de grandes désillusions en croyant de façon déraisonnable que la voiture électrique sera l’alternative aux véhicules thermiques.
D’autre part, selon d’autres sources, la recherche continue sur les moteurs thermiques et leur rendement pourrait encore être amélioré de 20 à 30 %. Ce qui rendrait encore plus sceptiques pour l’achat d’un véhicule électrique, les automobilistes préoccupés en premier chef par leur porte-monnaie.
Un récent sondage de l’institut LH2, pour Métro, montrait que près de 7 Français sur 10 seraient prêts à acheter une voiture électrique, si elle n’était pas plus chère qu’une voiture classique. L’enquête révèle d’ailleurs que la motivation est plus forte dans les foyers aisés que dans les foyers modestes et note que cela tend à montrer que le prix constitue un frein réel au développement de ces véhicules.
L’Association pour l’Environnement préfèrerait une réelle politique de restructuration et de développement des transports en commun et autres transports « doux » et se demande si l’Etat ne se trompe pas de combat :
Ce véhicule dit « zéro émission » est-il l’avenir de l’automobile ou représente-t-il une option parmi tant d’autres ? Autrement dit, l’Etat français ne fait-il pas fausse route en soutenant une solution technique qui est à l’automobile ce que le minitel était à l’internet ?
Sources : Rapport sur les freins au développement de la voiture électrique, accessible à partir du Communiqué de presse de l’APE, Actualités Voiture (image), AFP, Le Post
2 réponses sur “Voitures électriques = voitures de l’avenir ?”
A l’occasion du Mondial, les constructeurs nous présentent leurs nouveaux modèles de voitures électriques. Pour autant, sommes-nous prêts à passer à l’électrique ? Pas si sûr… Nous avons interrogé les visiteurs du salon de l’auto sur la question, leurs avis semblent partagés :
http://ecomobilite.tv/2010/10/07/acheter-vehicule-electrique/
Les voitures électriques ne sont pas la seule alternative pour réduire les émissions de CO2 sur des trajets courts: il ne faut pas oublier le vélo! (-100% de réduction). Le potentiel est énorme. Quelques mots sur mon expérience personnelle: http://laniggaro.wordpress.com/2010/11/23/satisfaisant-detre-eco-citoyen/