La mode a considérablement évolué au cours du XXème siècle, continue en ce début de XXIème siècle et a encore de l’avenir, si l’on en croit les travaux de Joanna Berzowska, professeure et directrice du département de design et d’arts numériques de l’Université Concordia à Montréal (Canada). Elle conçoit en effet des tissus électroniques interactifs, afin que les vêtements, en plus d’être beaux, soient un jour « intelligents », l’un n’excluant pas l’autre.
Cette chercheuse a en effet mis au point des tissus électroniques interactifs qui captent directement l’énergie du corps humain, l’emmagasinent et l’utilisent pour transformer leurs propriétés visuelles, entre autres : « les vêtements animés confectionnés dans ces tissus changeraient de couleur et de forme au gré des mouvements. » Il s’agit donc vraiment de confectionner un jour des habits électroniques capables d’interagir avec leurs porteurs et de leur répondre, « la prochaine grande avancée en conception de textiles. »
Pour ce faire les fonctions électroniques et informatiques sont incorporées directement au sein même des fibres : les composantes électroniques ne sont pas simplement fixées au textile, mais « plutôt tissées dans les nouvelles fibres composites. » Celles-ci se composent de multiples couches de polymères qui, une fois étirées et réduites à un petit diamètre, commencent à interagir entre elles. Produit en collaboration avec Maksim Skorobogatiy de l’École Polytechnique de Montréal, ce tissu représente une percée importante dans la fabrication de « tissus intelligents ».
La chercheuse n’en est pas encore à fabriquer des vêtements à partir de ces nouvelles fibres composites, mais a travaillé avec des stylistes pour créer des prototypes conceptuels, permettant d’imaginer ce que pourra un jour être une robe qui changerait de forme et de couleur toute seule, ou une chemise qui capterait l’énergie pour recharger un téléphone. Ainsi, précise Joanna Berzowska :
Nous ne verrons pas ce type de vêtements dans les magasins dans les 20 ou 30 prochaines années, mais la technologie ouvre de fascinantes possibilités sur les plans pratiques et créatifs. Notre but est de créer des vêtements pouvant se transformer de façon complexe et surprenante – rien à voir avec les vestes réversibles ou les chemises qui changent de couleur sous l’effet de la chaleur ! Voilà pourquoi le projet s’intitule Karma Chameleon.
Cette recherche soulève, selon le communiqué de l’Université Concordia, des questions sur la place de l’individu vis à vis de la mode et des ordinateurs : « Que signifierait porter un vêtement qui a son« propre cerveau » et ne peut être sciemment contrôlé ? Souhaitons-nous vraiment ce genre d’interaction intime avec les ordinateurs ? » En tout cas, le projet Karma Chameleon a bénéficié pendant quatre ans de subventions qui avaient pour but de soutenir la recherche scientifique et universitaire dans des disciplines artistiques. Des fonds utilisés de manière fructueuse puisqu’ils ont permis diverses réalisations en fibres composites.
Source : Université Concordia